Les routes oubliées, S.A.Cosby

Le livre : Les routes oubliées  de ,S.A.Cosby traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Szczeciner.Paru le 7 avril 2022 chez Sonatine. 22€ (341 p.) ; 22 x 14 cm ; réédité en poche le 13 avril 2023 chez Pocket. Thriller, n° 18936. 8€60. (367 p.) ; 18 x 11 cm

4e de couv :

Métal hurlant !

Beauregard Montage a décidé de se ranger. Père de famille et mari aimant, il veut mettre derrière lui ses années de prison, son passé de chauffeur pour les petites frappes locales, et offrir aux siens la stabilité qu’il n’a jamais connue. Mais à Red Hill, petite ville rurale du sud-est de la Virginie aux tensions communautaires exacerbées, la vie d’un Afro-Américain ressemble encore souvent à un couteau planté sous la gorge. Et quand la pression financière se fait trop forte, Beau sait qu’il n’a plus le choix : il doit reprendre du service. Le coup semble gagné d’avance : un braquage dans une petite bijouterie, une fuite sur les chapeaux de roue, une piste intraçable. Sauf que le casse tourne mal. Et que la bijouterie en question appartient à un caïd du coin, prêt à tout pour se venger. Pour Beau, le compte à rebours est lancé.

Avec ce premier livre nerveux et racé, S. A. Cosby fait une entrée fracassante sur la scène du thriller. Roman d’asphalte, de bruit et de fureur, Les Routes oubliées est aussi un état des lieux de l’Amérique rurale, où racisme, pauvreté et délinquance restent aujourd’hui encore un horizon indépassable.

 

L’auteur : S. A. Cosby est né en 1973 dans le sud-est de la Virginie, où sa famille est installée depuis plusieurs générations.  Il réside dans une petite ville connue sous le nom de Gloucester, en Virginie, sur la côte atlantique. Il travaille à la maison funéraire JK Redmond, mais travaille moins d’heures maintenant, en raison de son succès. Il fait des travaux « utilitaires » comme conduire le corbillard . Ces 3 romans ont remporté de nombreux prix. Il a été comparé à Dashiell Hammett, Sam Peckinpah et Attica Locke. C’est dire !

 

Extraits :
« C’était un garçon intelligent et talentueux, mais d’une manière différente. Beauregard se rappela que lorsqu’il était petit, son père lui répétait souvent qu’on ne pouvait pas dire d’un poisson qu’il était stupide sous prétexte qu’il n’arrivait pas à grimper à un arbre. »
« Beauregard songea que le ciel nocturne ressemblait à une peinture.
Alors que la lune apparaissait derrière les nuages, des rires s’élevèrent pour être aussitôt noyés sous les rugissements des moteurs. Les basses d’une Chevrolet Chevelle garée à proximité vibraient si fort dans la poitrine de Beauregard qu’il avait l’impression qu’on lui prodiguait un massage cardiaque. Devant l’ancienne supérette, il y avait un peu plus d’une douzaine de ces « classiques » américaines : une Ford Maverick, deux Chevrolet Impala, quelques Chevrolet Camaro et cinq ou six autres grosses cylindrées vestiges du même âge d’or. L’atmosphère était fraîche et il flottait dans l’air une odeur d’essence et d’huile de moteur à laquelle se mêlait celle, âcre et puissante, des gaz d’échappement et du caoutchouc brûlé. En fond, une chorale de grillons et d’engoulevents tentait de se faire entendre. Beauregard ferma les yeux et tendit l’oreille jusqu’à percevoir ce chant à peine audible. C’était un chant d’amour. Et il se dit que beaucoup de gens passaient une grande partie de leur vie à tenter ainsi de hurler leur amour. À plusieurs mètres au-dessus de sa tête, le vent faisait grincer une pancarte jaunissante accrochée à un poteau. »
« Le secret, ce n’est pas le moteur. Ça fait partie de l’équation, évidemment, mais ce n’est pas le plus important. Le seul truc qui compte vraiment, même si personne ne veut le reconnaître, c’est le pilote. Si tu conduis avec la peur au ventre, c’est perdu d’avance. Si tu conduis avec la crainte d’abîmer ton moteur, pareil. La seule chose à laquelle il faut penser, c’est atteindre la ligne d’arrivée. Et pour ça, il faut conduire comme si t’avais les flics au cul. »

Chronique de Flingueuse : Le billet de Chantal

 

 

Les routes oubliées ,S.A.Cosby

 

 

J’ai découvert l’auteur par son deuxième roman traduit en France, La colère, et Cosby est entré immédiatement dans mon Panthéon des auteurs à garder dans un coin de la tête. Mais, on se dit aussi qu’un titre peut être excellent et les autres pas forcément … Alors, petit retour en arrière, et me voilà sur Les routes oubliées, son premier titre traduit. Bien m’en a pris ! J’ai été autant sinon plus happée par l’histoire, les personnages, l’atmosphère…

Déjà, le titre m’a fait penser à celui de Sylvain Tesson, Les chemins noirs.  Strictement rien à voir, mais une association d’idées qui me parlait. Le titre de Cosby nous emmène tout de suite dans les entre-deux d’un pays, dans ses marges, pas loin des grands axes et centres urbains, mais dans un à côté où les gens tentent de vivre, revivre, survivent, après des années de galère parfois. Tout y est dur, il faut s’accrocher pour ne pas retomber dans ses errances passées, surtout quand on n’est pas du bon côté de la barrière. Beauregard Montage est de ces gens qui ont décidé un jour de reprendre un cours de vie « dans les clous » et de gagner de l’argent en commerçant honnêtement. Et ça marche, jusqu’au jour où son garage va être délaissé au profit d’un nouveau, dont les prix défient toute concurrence. Beauregard est talentueux, c’est un virtuose de la mécanique, et surtout un chauffeur hors-pair, ce qui l’a conduit en prison autrefois. Chauffeur émérite, certes, mais pour des braquages … Peine purgée, Beauregard se consacre à sa famille et sa passion. Mais les dettes s’accumulent, le garage risque d’être saisi. Et que faire sinon chercher un moyen rapide pour se renflouer, en dépit de tous les avertissements de sa femme et de sa conscience …!

Nous voilà embarqués dans la malle arrière d’une voiture quelque peu améliorée par Beauregard, avec des complices plus ou moins fiables, à l’assaut d’une bijouterie et de son butin qui ne devraient pas poser de problèmes; Bien sûr, tout tourne mal. Beauregard se retrouve face à bien plus dangereux que ce qu’il a pu connaître, obligé de défendre sa peau, protéger sa famille, et ne pas se faire arrêter … Le récit fonce sans discontinuer, à un rythme digne de Tarantino. D’ailleurs, Les routes oubliées feraient un très bon scénario.

J’ai aimé ce personnage de Beauregard, à la conscience aigüe des choses de la vie, sachant ce qu’il risque mais allant jusqu’au bout, maniant aussi bien le volant que ses armes quand il faut. Malgré la violence qui l’habite, il est attachant. C’est un « héros » comme on les aime, avec beaucoup de failles, de douleurs enfouies, qui se débat dans un monde où être Noir n’est toujours pas simple.

J’ai aimé aussi l’atmosphère du garage, des voitures survitaminées au cours de courses clandestines (là encore, pensons à la fameuse course de voitures dans La fureur de vivre, avec James Dean), les odeurs de mécaniques poussées à fond …Univers masculin, certes, mais dont les scènes, très visuelles, rendent le lecteur ravi ! C’est tendu d’un bout à l’autre, c’est de l’énergie pure, un feu d’artifice, dont on pressent que Beauregard n’en sortira peut-être pas indemne.

Quelle bonne lecture !!!

 

 

Autre extrait
« Beauregard avait appris que dans un couple, il fallait savoir faire des concessions – ça ne valait pas le coup de s’embrouiller pour une babiole.
« Je ne sais pas », dit-il.
Kia se gratta le cuir chevelu. Plusieurs minutes s’écoulèrent avant qu’elle finisse par se rallonger contre son mari. Elle avait la peau froide et son corps dégageait une odeur de rose. Elle s’était douchée avant d’aller se coucher. Beauregard avança une main prudente vers elle et la posa sur son ventre.
« Qu’est-ce qui va se passer si on n’obtient pas de délai ? demanda-t-elle.
– Il faudra peut-être que je vende quelque chose, répondit-il en lui caressant doucement le nombril. Le pont élévateur. Ou le deuxième démonte-pneu. Celui pour lequel j’avais contracté le prêt, d’ailleurs… »
Il n’évoqua pas le nom de Boonie. Mais comme si elle pouvait lire dans ses pensées, Kia se tourna vers lui et lui effleura la joue.
« Tu y penses, pas vrai ?
– À quoi ?
– À aller le voir. À lui demander s’il peut te mettre sur un coup. Tu sais bien que c’est hors de question, hein ? Tu as été chanceux. On l’a tous été. Tu n’as jamais été arrêté, tu as pu te ranger à temps et ouvrir ton garage. C’est de la chance, ça, chéri. » « 

15 réflexions sur “Les routes oubliées, S.A.Cosby

  1. C’est un nom qu’on aperçoit régulièrement ces derniers temps, forcément ça attise la curiosité. Les romans de cet auteur ont l’air de dépeindre une société rude, la face sombre de notre monde. Et sans fioritures ni poudres aux yeux. Merci Chantal pour cet avis 🙂

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  2. J’ai déjà lu les deux suivants je m’étais promis de lire son premier… pas encore fait mais cette chronique a le mérite de me le faire remonter dans ma PAL ! merci pour ce bon rappel !

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  3. Bonjour, Et merci pour cette présentation

    Ravie aussi d’avoir découvert cet auteur. Que serait l’Amérique sans ses voitures, sans un pick-up rouillé…

    Je suis entrain de lire « la Colère ». C ‘est du noir , une description d’une certaine Amérique mais jamais avec du misérabilisme et du larmoyant voire aussi de l’humour. Je suis d’accord on visualise très bien les lieux, les décors comme l’ atmosphère, les bruits…  » La Colère  » va être adaptée au cinéma.

    Alors en attendant, je vais aussi lire  » les roues oubliées  » comme le dernier paru  » Le sang des innocents ». A noter aussi les playlists qui accompagnent chaque personnage.

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