Avis d’Expert : Dossier n° 11 : comment fonctionne un laboratoire de la police scientifique.

Dossier n° 11 : comment fonctionne un laboratoire de la police scientifique.

Les indices collectés sur la scène de crime ont été envoyés au labo…Mais que se passe-t-il au juste dans ce lieu mystérieux. Ouvrons la lourde porte métallique et entrons…

1- Pionnier:

Le premier laboratoire de police scientifique du monde fut créé à Lyon par Edmond Locard (1877-1966), ancien assistant d’Alexandre Lacassagne, considéré comme « le père de la médecine légale ». Locard, persuadé que tout contact laisse une trace ( appelé aujourd’hui de « principe de l’échange de Locard »), expliqua que tout ce que touche un criminel ou tout ce qu’il laisse sur place, même sans s’en rendre compte, constitue un témoin silencieux à son encontre: ses empreintes digitales, ses traces de pas mais aussi ses cheveux, les fibres de ses vêtements, le verre qu’il brise, l’outil qu’il utilise, la peinture qu’il érafle, le sang ou le sperme qu’il dépose ou recueille, et bien d’autres choses encore. d’après lui, toutes ces traces ou résidus constituent des preuves factuelles qui mémorisent bien mieux que les humains.

La preuve matérielle ne peut ni se tromper, ni se parjurer. Seul l’échec des hommes à la trouver, à l’étudier et à la comprendre peut en amoindrir la valeur. Afin de prouver qu’il avait raison, il utilisa, dès 1912, son laboratoire pour résoudre le meurtre commis par un employé de banque sur la personne de sa petite amie.
L’accusé, qui semblait pourtant détenir un alibi en béton, avoua son crime après que Locard eut découvert sous ses ongles de minuscules fragments de peau contenant le colorant rosé de la poudre de riz dont se servait la jeune femme pour se farder.

2- Les grands labos: ceux du FBI et ceux du Forensic Science
Service du Royaume-Uni.

Le FBI possède la plus vaste base de données biométriques ( caractéristiques permettant d’identifier un individu) au monde, contenant le casier et les empreintes de plus de 56 millions de personnes. Dans ses laboratoires, les spécialistes réalisent plus d’un million d’examens par an.

Quant à la Grande-Bretagne, elle détient la plus grande base de données génétiques du monde: quatre millions d’échantillons d’Adn (cinq fois plus que la France). En 2007, le ministère de l’Intérieur anglais a accepté de donner libre accès à cette base et à ses fichiers d’empreintes digitales à toutes les polices européennes. Parallèlement, l’UE a créé un réseau de partage des dossiers criminels.

3- De nombreux spécialistes:

Dans leur mission de vérification qu’un crime a réellement été commis et d’identification d’un suspect, les grands laboratoires emploient des spécialistes pour analyser les empreintes digitales, les poils, les cheveux, les dents, le sang, les médicaments, drogues et poisons, les fibres, les peintures, le verre, les armes à feu, douilles et projectiles de toutes sortes, les explosifs, la terre, l’herbe, les traces de pneus, les marques d’outils divers. La précision des résultats est assurée par de nombreux appareils et instruments.

Toutefois, ce travail de fourmis requiert une véritable collaboration avec les laboratoires de polices locaux ou les établissements régionaux, certes plus modestes, mais dédié à une spécialité particulière. Ainsi, en Angleterre, le Forensic, qui a lancé en 2007 le Footwear Intelligence Technology répertoriant 13 000 images d’empreintes de chaussures les plus couramment trouvées sur des scènes de crime, travaille pour les 43 corps de police du pays.

Le travail des spécialistes commence en général par l’évaluation d’un échantillon recueilli sur une scène de crime afin de l’identifier et de déterminer si des tests plus approfondis sont nécessaires; expertise qui permettra de savoir si une tache est bien une trace de sang, si tel morceau de métal provient bien d’une bombe, si tel poil est humain ou animal. Les échantillons sont ensuite dispatchés dans les différents services adéquats (biologie, chimie, explosifs, toxicologie, balistique, etc…). Les très nombreux indices ainsi analysés sont soigneusement conditionnés et enregistrés afin d’en assurer la traçabilité lors de leur parcours dans les différents services.

4- Traces révélatrices:

Dans un laboratoire de police scientifique, c’est le service de l’analyse des traces qui possède l’éventail d’activité le plus large et le plus diversifié. En effet, tous les indices qui ne peuvent être attribués à un service spécifique lui sont confiés. Ainsi, les spécialistes qui y travaillent examinent des poils, des cheveux, des fibres, du verre, de la peinture, des explosifs, des traces de pneus, des empreintes de chaussures, des restes calcinés, des cosmétiques (rouge à lèvres, mascara, vernis…).

La Trace Evidence Unit du FBI, en plus de sa mission de conservation de toutes sortes d’échantillons, d’analyse et de comparaison d’indices non humains, contribue à identifier des restes humains par l’examen de dents et d’os réduits à l’état de simples traces. Ainsi, de n ombreuses affaires ont été résolues grâce à des poils ou des cheveux transmis de la victime à son agresseur. Car les cheveux, qui restent intacts de nombreuses années après la décomposition du corps, recèlent d’intéressants secrets: ils contiennent de l’ADN, notamment de l’ADN mitochondrial ( celui transmis par la mère); ils conservent la trace de poisons tel que l’arsenic ainsi que de la consommation de drogues, d’alcool ou de nicotine. De simples échantillons permettent de déterminer un type ethnique précis.

5- Deux affaires de meurtres résolues:

• L’affaire Linda Peacock: en 1967, le corps de Linda Peacock, âgée de quinze ans, est retrouvé dans un cimetière de la petite ville de Biggar, en Ecosse, avec des marques sur l’un des seins de la jeune fille. Les marques furent étudiées par un odontologiste (praticien qui étudie les dents et leur
pathologie) judiciaire, le docteur Warren Harvey qui se rendit compte que, l’une des marques semblait avoir été faite par une dent aux contours irréguliers. On prit les empreintes dentaires de 29 détenus dans un centre local et, bingo, celles de l’un d’entre eux correspondaient aux traces
laissées sur le corps de Linda Peacock. Gordon Hay, âgé de 17 ans, était atteint d’une affection rare provoquant des creux dans ses dents. Jugé coupable de meurtre, il fut emprisonné.

• Milton Helpern, médecin légiste new-yorkais, et son assistant, le docteur Umberger, toxicologue, jouèrent un rôle décisif dans la résolution du meurtre de Carmela Coppolino, en 1965. Carl Coppolino, le mari de la victime, anesthésiste, avait injecté à son épouse une substance
paralysante, du chlorure de succinylcholine. Un médecin ami signa le certificat de décès en déclarant que la jeune femme avait succombé à une crise cardiaque, le mari ayant déclaré qu’elle souffrait de douleurs thoraciques. Comme par hasard, trois semaines avant sa mort, Carl
Coppolino avait monté le montant de son assurance-vie à 55 000 dollars. Il croyait le médicament injecté indétectable dans l’organisme, mais le docteur Umberger parvint à l’isoler dans les tissus cérébraux. Grâce à lui, Coppolino fut convaincu d’homicide volontaire et incarcéré douze ans.

6- Le labo du FBI:

Fort de son succès dans la lutte contre la criminalité, du soutien de son gouvernement, grâce également à une forte exposition médiatique consécutive aux films et téléfilms, le Federal Bureau of Investigation, exerce une influence mondiale dans le domaine de la lutte contre la criminalité.

Le FBI est né en 1924 sous le nom de Bureau of Investigation. Son fichier d’empreintes digitales fut créé la même année.

En 1932, un laboratoire technique vit le jour afin de répondre aux besoins des agences locales, fédérales et d’Etat, tout comme aux besoins des polices étrangères.

En 1967, une base de données électronique, le NCIC (National Crime Information Center) devient opérationnelle.

En 1978, le laboratoire du FBI fut un précurseur dans l’utilisation du laser pour détecter les empreintes digitales latentes sur les scènes de crime. En 1991, le Computer Analysis and Response Team fut créé dans le but d’analyser des ordinateurs à des fins d’investigation. L’année suivante, fut créé une base de données de marques de balles et de douilles.

1996: création du Hazardous Material Unit : réponse de lutte contre le terrorisme de la police de Los Angeles, le HMU est spécialisé dans les armes de destruction massive et l’identification de matériels ou agents inconnus. Ses membres reçoivent une formation spéciale leur permettant d’identifier des pathogènes potentiellement biologiques, des armes chimiques et des matières radiologiques.

Depuis 1997, le National DNA Ind System gère la mise en commun des profils génétiques par les
laboratoires de police scientifique. Parallèlement, le FBI possède une unité spéciale, le Evidence
Response Team, chargée d’intervenir sur les scènes d’infraction afin de recueillir des indices et de les transmettre au labo. Les 56 bureaux du FBI disposent chacun d’une ERT (Evidence Response Team) de 8 à 50 membres. En plus des affaires intérieures, ces bureaux enquêtent sur des crimes internationaux, notamment en Afrique de l’est sur des attentats commis contre des ambassades américaines.

J. Edgar Hoover (1895-1972)

Hoover dirigea le FBI pendant 48 ans, de 1924 à sa mort. Très intéressé par la police scientifique, il créa, en 1932, le laboratoire, alors que le FBI était engagé dans la lutte contre le crime organisé. Il envoya ses agents dans tout le pays afin d’y suivre les enseignements des meilleurs experts en criminalistique de l’époque. Né à Washington, il obtint son diplôme en droit en 1917 tout en étant vacataire à la bibliothèque du Congrès. Exempté de service pendant la Première Guerre mondiale, son oncle le fait entrer au département de la Justice et devient l’un des assistants de l’attorney général (ministre de la Justice des USA).
En 1919, il est nommé directeur de la toute nouvelle General Intelligence
Division du département de la Justice. Mettant à profit son expérience de bibliothécaire, il crée un
gigantesque fichier de gens appartenant à des groupes radicaux. Nommé directeur du FBI en 1924 avec 650 employés sous ses ordres, il entreprend de professionnaliser les activités de renseignement et de maintien de l’ordre aux USA.

 

Les petit + de collectif polar :

Pour poursuivre votre expérience voici un ouvrage sur le père des labos criminels.

Edmond Locard, le Sherlock Holmes français  de Michel Mazévet.  Paru le 25 avril 2006 aux éditions Traboules. 19€50 ;   19€50 ;  (170 p.) ; illustrations en noir et blanc ; 21 x 15 cm.

Découvrir Edmond Locard c’est se replonger aux débuts de la police scientifique moderne. Bien avant l’utilisation de l’ADN, cet homme génial, médecin légiste et homme de culture, a doté la ville de Lyon du premier laboratoire français de police technique, capable de résoudre les crimes les plus abominables. Au travers de la vie de cet infatigable chercheur, le lecteur va découvrir l’avancée des travaux sur le crime et le criminel depuis le XIXème siècle avec Cesare Lombroso et Alexandre Lacassagne jusqu’aux empreintes génétiques utilisées pour la première fois en 1986 par le britannique Alec Jeffreys.

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