Les larmes noires sur la terre – Sandrine Collette

A l’occasion de la sortie poche de notre chouchou de l’an dernier.

Nous vous proposons un nouvel avis.

Celui de Catimini Plume, une bibliothécaire passionnée.

Le livre

Les larmes noires sur la terre – Sandrine Collette


 

Les larmes noires sur la terre pocheLe livre : Les larmes noires sur la terre de Sandrine Collette.Paru le 31 janvier 2018 chez Le livre de poche.  7€90 ; (378 p.) ; 18 x 11 cm

4e de couv

Il a suffi d’une fois. Une seule mauvaise décision, partir, suivre un homme à Paris. Moe n’avait que vingt ans. Six ans après, hagarde, épuisée, avec pour unique trésor un nourrisson qui l’accroche à la vie, elle est amenée de force dans un centre d’accueil pour déshérités, surnommé « la Casse ».
La Casse, c’est une ville de miséreux logés dans des carcasses de voitures brisées et posées sur cales, des rues entières bordées d’automobiles embouties.
Chaque épave est attribuée à une personne. Pour Moe, ce sera une 306 grise. Plus de sièges arrière, deux couvertures, et voilà leur logement, à elle et au petit. Un désespoir.
Et puis, au milieu de l’effondrement de sa vie, un coup de chance, enfin : dans sa ruelle, cinq femmes s’épaulent pour affronter ensemble la violence et la noirceur du quartier.
Elles vont adopter Moe et son fils. Il y a là Ada, la vieille, puissante parce qu’elle sait les secrets des herbes, Jaja la guerrière, Poule la survivante, Marie-Thé la douce, et Nini, celle qui veut quand même être jolie et danser.
Leur force, c’est leur cohésion, leur entraide, leur lucidité. Si une seule y croit encore, alors il leur reste à toutes une chance de s’en sortir. Mais à quel prix ?

Après le magistral Il reste la poussière, Prix Landerneau Polar 2016, Sandrine Collette nous livre un roman bouleversant, planté dans le décor dantesque de la Casse.

SANDRINE FSNL’auteur : Sandrine Collette  née à Paris dans le courant de l’année 70. Elle passe un bac littéraire puis un master en philosophie et un doctorat en science politique.

Elle devient chargée de cours à l’Université de Nanterre, travaille à mi-temps comme consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines et restaure des maisons en Champagne puis dans le Morvan.

Aujourd’hui la vie de Sandrine Collette est rythmé par l’écriture à laquelle elle se consacre entièrement.

 

Extrait :
Au départ, elles n’en avaient pas parlé bien sûr mais cela allait de soi, les héberger l’enfant et elle, c’était l’affaire de quelques jours, une semaine peut-être. Si Réjane avait su que cela durerait autant, jamais elle n’aurait proposé, trop petit l’appartement, et elle qui rentre du bureau épuisée chaque soir, à les voir là sur le canapé le petit qui mange sa bouillie en babillant et écouter Moe raconter ses histoires, peut plus, elle les déteste à présent, voilà, c’est comme ça. Non non, on n’en rediscute pas, qu’ils prennent leurs sacs et qu’ils s’en aillent, elle a été honnête, ne veut pas risquer qu’ils profitent d’un ou deux jours de plus pour lui dépouiller l’appartement, c’est samedi aujourd’hui, à midi elle va voir sa mère à la campagne, à midi ils doivent être partis, elle les poussera sur le palier si nécessaire.
Alors Moe marche dans la rue, se répète les mots, ne réalise pas encore – eux dehors l’enfant et elle. Elle sait qu’elle a l’air d’une folle avec le petit calé sur le côté, les sacs dans les mains et les cheveux mal coiffés parce qu’elle n’a pas eu le temps. Les passants changent de trottoir en la voyant, se retournent sur elle, pitié ou dégoût, elle a envie de crier qu’il faut l’aider, Réjane lui a laissé de quoi payer une nuit d’hôtel, et après ? Les centres d’accueil ? Elle connaît trop bien, pour les avoir vus à la télévision, ces ghettos modernes, des mouroirs pour vieux étendus aux gens comme elle et pas même un toit sur la tête, des terres abandonnées, non elle n’ira pas, ne pas se plaindre, ne pas se faire remarquer, elle sèche ses larmes, met de l’ordre dans ses cheveux. Sois forte, ma fille. Avance.

 

La Chronique de Catherine

« En ouvrant le dernier roman de Sandrine Collette, passés les premiers chapitres consacrés à l’histoire de Moe qui a quitté son île natale pour suivre en France un homme plus âgé qu’elle et qui finira par échouer dans la rue avec un nourrisson conçu avec un amant d’un soir, on arrive dans le vif du sujet : La Casse. Et là, si on a lu  « Une brume si légère », nouvelle parue dans Les petits polars du « Monde » en 2014, on se retrouve en pays de connaissance. La Casse, c’est une ville encastrée dans le lit d’une rivière et constituée de carcasses de voitures au rebut, où s’entassent des démunis en pleine dégringolade sociale.

C’est là que Moe va atterrir avec son enfant, et c’est là qu’elle va retrouver cinq femmes que nous avions rencontrées dans la nouvelle et qui, au milieu de cet enfer, vont l’aider à survivre. Entre chaque chapitre relatant la vie misérable de ces rebuts de la société, l’auteure nous narre l’histoire de chacune d’entre elles, nous dévoilant l’évolution d’une société futuriste où il ne fait pas bon avoir été malmené par la vie, et encore moins être une femme. L’écriture sèche, sans pathos, nous emmène très loin dans l’horreur mais nous offre aussi des moments de grâce, quand réunies autour d’un feu au milieu des carcasses de voiture, Moe et ses cinq compagnes partagent du chocolat.

On ne sort pas de La Casse, ou bien avec beaucoup d’argent, et Moe, à laquelle les autorités proposent de donner son bébé à un couple en mal d’enfant, ne peut s’y résoudre et va vendre son corps, puis transporter de la cocaïne, pour tenter de s’en sortir. On sait dès le premier chapitre que l’issue sera dramatique.

Sandrine Collette nous offre un roman noir, très noir, à mon sens son meilleur depuis « Des nœuds d’acier », même si, fan de la première heure, j’ai aimé tous ses livres. Elle dénonce une société du futur proche vers laquelle nous pourrions bien aller, à certains égards dans laquelle nous sommes déjà,  en nous décrivant avec son talent habituel la vie de ces femmes qui tentent de s’entraider au milieu de la pourriture.  Et nous offre même, à la fin, une lueur d’espoir. Un grand roman.  »

Le petit + Collectif Polar

 

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