Papote d’auteur : l’interrogatoire de James Osmont par Oph

Papote d’auteur. 

Aujourd’hui c’est Oph qui soumet à la question

James Osmont, notre auteur du jour 

 

OPH :  » Hello James,

J’ai rédigé une chronique de ta trilogie psychiatrique il y a peu, trilogie que j’ai adorée ! Du coup, comme d’autres, je me pose des questions sur l’auteur de ces romans atypiques, véritables OLNI… (oeuvre littéraire non identifiée)

-Es-tu prêt à subir mon interrogatoire ?… Promis pas de lampe dans la figure, ni de coup de bottin derrière la tête… 
James : Oh, alors ça ira ! J’ai déjà subi tellement pire !

OPH Ça c’est ce que tu crois ahahah (rire diabolique)

« NDLR : Vous pouvez retrouver La trilogie psychiatrique :  ICI  Régis le 1er tome ; Là Sandrine le tomes 2 ; et Là aussi Dolores, le dernier tome« 

– Comme dans tout bon interrogatoire, commençons par ton identité : qui est James Osmont? 

Alors, bande de curieux, j’aurai 35 ans dans quelques jours, je suis infirmier en psychiatrie depuis 11 ans, j’aime la course à pied, la rando en montagne, je fais ou ai fait beaucoup de photographie avant d’écrire (on peut pas mener tous les combats de front), j’ai exposé pas mal, j’ai aussi animé un fanzine musical pendant plus de 10 ans… La musique tient une grande place dans ma vie, certains l’ont découvert au travers de mes romans, au péril de leurs oreilles !

OPH Nous curieux? Si peu… En même temps c’est un interrogatoire  Parcours diversifié donc!

–  Pourquoi t’es tu lancé dans l’écriture de romans traitant de pathologie psychiatrique, un message à transmettre ? 

James : Oh un message, ce serait beaucoup dire… Je suis pas un « militant » de la cause psy hein !… Elle a ses travers et je ne crois pas être tendre vis à vis de tout ça dans ce que j’écris. Mais il est vrai qu’en tant que lecteur de thrillers, les caricatures et la superficialité clinique que j’ai pu rencontrées, m’agaçait un peu. Les auteurs essaient toujours d’être documentés et précis en matière historique, criminologique etc, mais pour ce qui est de la grosse ficelle psy, là, plus c’est gros, plus ça passe. Le coup de l’HP prison au fond des bois, renfermant de dangereux psychopathes mangeurs d’enfants, un soir de pleine lune… Enfin vous voyez quoi…

OPH : Il est vrai que l’hôpital psy en pleine forêt de Blair Witch c’est un peu commun! Quant à ton regard sur la psychiatrie il n’est pas toujours tendre en effet, et c’est un des aspects que j’ai apprécié dans la trilogie… Exposer une réalité invisible à nos yeux de profanes dans le domaine.
 

C’est un monde particulier et assez méconnu, tu y évoques des pathologies en utilisant les termes médicaux, c’était risqué. 

James : Alors l’idée c’était de ne surtout pas faire un livre « médical », mais de ne pas trop vulgariser non plus, parce que je pense qu’on ne doit pas prendre le lecteur pour un idiot. Ce sont des problématiques nuancées qui nécessitent des termes précis, et à trop simplifier, on tombe parfois justement dans la caricature du schizo qui se prend pour Napoléon, ou à l’inverse de ces malades magnifiques, parfaits, froids et calculateurs, grandioses, des Hannibal (dont je suis pourtant le premier fan) mais qui n’existent pas (ou peu). Les miens sont d’une effroyable banalité, hésitants, inconstants, et le fait de les sentir « réalistes » (même sans rien y connaitre) augmente peut-être paradoxalement l’aspect flippant de l’ensemble. Quant aux termes de jargon, y’en a pas tant que ça, et à moins de vouloir tout maîtriser dans sa lecture, ils sont souvent accessoires et placés dans la bouche des grands pontes dont c’est le rôle quelque part. De la même manière qu’on se contentait de suivre le sens général de tout ce bazar en regardant un épisode de Urgences (ça me rajeunit pas !)…

OPH : AAAAhhh Georges Clooney  ahaha… ok je vois ce que tu veux dire et effectivement les termes médicaux ne freinent en rien la compréhension des histoires de Régis, Sandrine et Dolores…

– Pour chacun des romans, tu as créé une bande son très « métal » (disponible sur Youtube dans leur intégralité). Tu recommandes au lecteur de tenter l’expérience intégrale en l’écoutant  au fil de la lecture. Comment t’est venue cette idée et que penses-tu que ça apporte aux romans ? Personnellement j’ai déjà la réponse  Mais comme tout bon enquêteur je te laisse d’abord nous livrer ta version… 

James : Comme tu l’as dit, il s’agit d’une expérience émotionnelle globale, au-delà d’un roman. J’ai toujours aimé mélanger les medias, en photographie, en musique, en poésie, en peinture… On a une vision artistique très cloisonnée en France. Et on ne s’intéresse pas suffisamment aux textes de ce que l’on écoute aussi, nous les francophones. La musique me parle, fait vibrer quelque chose. Qu’en est-il des fous qui interprètent déjà tout ce qui les entoure ? Pourquoi la plupart des malades ont leur oreillettes vissées H24 dans le parc des HP ? Qu’y entendent-ils ? Qui les guide, les rassure ou les persécute… Il y a un coté « écoutille » qui les coupe du monde, mais il y a aussi du sens qui s’écoule de ces décibels… Je suis allé jusqu’au bout de cette réflexion. C’est le fil rouge de cette trilogie. Un support pour la diffusion d’un message poétique et malfaisant. Et puis sur le plan créatif, je crois que c’est un peu novateur. je ne pense pas qu’il y existe des romans qui vont aussi loin dans cette proposition hybride. Maintenant oui, il faut pouvoir/vouloir mettre ses propres goûts de côté pour essayer de se focaliser sur ceux des personnages et ce qu’ils y perçoivent. Tout le monde n’a pas adhéré, mais les réactions les plus fortes que j’ai reçues sont venues de lecteurs ayant tenté l’expérience. Pour autant ce n’est pas une obligation, les textes sont traduits et intégrés dans le livre, c’est ça qui prime tout de même. Et juste une précision pour les puristes, « bande-son metal », pas vraiment. Musique rock oui, torturée sans doute, bruyante par moments, mais surtout indépendante, et stylistiquement plus dans l’indie, le hardcore, le screamo, un peu de folk, de stoner et parfois oui, certes, de metal…

OPH : Non mais dis donc, on ne contredit pas les termes musicaux de l’enquêtrice même si elle a tord! (regard qui tue)
Personnellement j’ai lu deux des trois romans avec la bande son tout au long de la lecture, pas sur le dernier puisque mes lieux de lecture ne me le permettaient pas. Mais sur ce troisième le son m’a manqué… C’est vraiment une expérience globale comme tu dis. Je trouve qu’elle permet de ressentir davantage le capharnaüm présent dans la tête de tes personnages et émotionnellement ça apporte un plus. C’est très novateur et il fallait oser! 

– Pour lequel de tes trois personnages centraux as tu le plus d’affection et pourquoi? 

C’est difficile de répondre. Regis a été le premier, le point de départ. J’ai d’abord eu envie d’écrire sur un schizophrène parce que c’est la pathologie la plus caricaturée. Sandrine est plus proche de « nous », c’est un personnage avec sa « folie » quelque part, mais les mots à poser sur la dépression, peuvent vite être quelconques ou attendus, voire geignards, c’était donc un sacré défi d’écrire un thriller avec un fond de dépression nerveuse… J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire ce roman parce que j’étais totalement libre. Regis avait les contraintes du débutant, le tome 3 se devait de conclure en beauté, mais avec un tome 2 on va où on veut ! Quant à Dolores, j’étais plus affirmé dans mon écriture et cliniquement, ces personnes borderline dont je m’occupe quotidiennement aux urgences, qui multiplient les passages à l’acte, qui sont des êtres inadaptés, carencés émotionnellement, sont des gens qui me touchent énormément. Tout en contradictions, en pulsions, c’est un plaisir à écrire, ce nihilisme enfantin et jusqu’au-boutiste. Et puis je pense aux personnages plus secondaires aussi, sans rien dévoiler, il y a quand même une sacrée galerie de portraits de dingos !…

OPH : Réponse acceptée même si tu ne nous dit pas lequel reste ton personnage préféré de chez préféré! Pour ma part c’est Sandrine même si Régis m’a bousculé. Effectivement Sandrine est plus proche de « nous » et peut être en chacun d’entre nous je pense.
Quant aux personnages secondaires il y en a des flippants oui!!! Le petit musée des dingos!

 

– Tu as une écriture très métaphorique, tu utilises beaucoup de figures de styles (ce qui à mon sens apporte une dose d’émotion supplémentaire à la lecture), un style bien à toi qui te rend facilement reconnaissable dans tes écrits (notamment tes nouvelles que j’ai pu lire). Quelles sont tes inspirations littéraires ? 

James : Bon ça c’est la question qui fait toujours un peu pompeux. Alors je me compare surtout à personne, je ne m’inspire de personne, et surtout j’admire tout ceux que je vais citer. Mais c’est clair que j’ai une culture littéraire plutôt classique. A commencer par Zola, Maupassant, Balzac, Verne, Leblanc, et puis Steinbeck, Twain, Simmons, Vargas, Thilliez, King évidemment… J’ai toujours lu beaucoup, j’ai eu mon bac S grâce aux matières littéraires, l’histoire, l’anglais, la philo… Bref voilà, ça vaut ce que ça vaut, mais c’est clair que j’essaie d’apporter du soin à la forme, à la musique des mots, à la précisions des termes…

OPH : C’est rigolo que tu aies des références si classiques alors que ton style est résolument moderne! 

– Je dis souvent que le roman est un pont entre l’auteur et ses lecteurs, qu’il y met une partie de lui même… Quelle partie de James Osmont retrouve-t-on chez Régis, Sandrine et Dolores (en dehors de l’aspect professionnel) ?

James : Vous voulez me piéger, inspectrice ! Je dirais l’aspect contemplatif de Regis, le doute permanent de Sandrine et l’impulsivité (relative) de Dolores. Et puis la musique… toujours. Heureusement que tu m’as pas demandé pour les gros méchants de la trilogie ! Haha… 

OPH : Je ne cherche pas à te piéger mais je veux tout savoir!!! Pour les gros méchants ils me font trop peur  J’ose espérer qu’il n’y a pas de toi dedans sinon je renonce à te rencontrer! 
 

 – Tu es auto-édité, j’avoue qu’avant de te lire je n’avais jamais tenté l’expérience. Beaucoup d’a priori sur les nombreux romans en auto-édition qui ne trouvent pas de maison d’édition parce que de qualité médiocre notamment. Je sais je ne suis pas tendre, mais en même temps, un interrogatoire n’a pas pour but de toujours brosser dans le sens du poil… Tu es mon exception et je ne le regrette aucunement. Dans ton cas, l’auto-édition est surprenante, tant pour la qualité de l’écriture que l’aspect novateur, peux-tu m’expliquer pourquoi ce choix (si tant est que s’en soit un) ? 

James : La réponse est peut-être dans la question : novateur, atypique, inclassable, ce sont des mots qui reviennent souvent dans les commentaires, et je le dis en toute modestie. Alors peut-être que c’est pas ce qu’il y a de plus facile à « vendre » aussi… C’est un fait : en deux ans de succès – relatif mais quand même assez conséquent au vu du thème, des partis pris bien tranchés et de l’aspect clivant de ce que j’ai produit -, oui après deux ans de cet intérêt du public ; le bilan est là : aucune piste sérieuse ou proche d’aboutir à quoi que ce soit au niveau maison d’édition. Donc ce n’est pas une affaire de choix, ce n’est pas un regret non plus, c’est comme ça. Je vais au bout des choses, j’ai fait exister mes romans, ils m’ont réconcilié avec mes semblables tant j’ai reçu de mots gentils, admiratifs ou simplement interloqués, bousculés, de gens même pas sûrs d’avoir aimé, mais qui se sont ouverts à ce que je proposais, qui ont pris ces romans pour ce qu’ils sont : une proposition artistique et pas un produit de consommation normé. En tant qu’auteur (au sens large du terme), c’est un cadeau déjà bien au-delà de mes espérances, à l’indifférence près du système classique… tant pis pour eux ! Ce qui me manque surtout aujourd’hui, c’est de ne pas être distribué/disponible, le logo d’une grande ME je m’en fiche un peu, être tout petit chez un gros, parfois c’est bien pire que l’auto-édition. Donc si opportunité il y a à l’avenir, ça ne sera pas à n’importe quel prix, quoiqu’en pensent certains détracteurs/jaloux ou ceux qui me font des procès en popularité. L’auto-édition non plus, ce n’est pas la panacée, ni une « grande famille », même si j’y ai fait des rencontres qui ont changé ma vie, sans exagérer.

OPH : Je ne te cache pas que je reste prudente avec l’auto-édition malgré  les pépites qui s’y trouvent… Te concernant il est évident que la trilogie a trouvé son public et c’est se priver d’un talent atypique que de ne pas te diffuser plus largement. Peu de romans permettent aux lecteurs de ressentir de réelles émotions en dehors du plaisir de lire. Avec ta trilogie je suis passée par les montagnes russes émotionnelles!

 

–  Si tu devais convaincre nos lecteurs de tenter l’expérience (oui oui c’est une expérience) de la trilogie psychiatrique que leur dirais-tu?


James : Que c’est une lecture qui peut être éprouvante, exigeante, qu’elle peut demander à ce qu’on sorte d’une certaine zone de confort. Tout le monde n’adhérera pas. Qu’il faut faut être un minimum prêt à donner, être disponible psychiquement, que ce n’est pas un passe-temps.
 Elle ne sied pas à toutes les humeurs.

Que je comprends parfaitement qu’on passe à côté ou que l’on ait une réaction de « défense ». Tous les avis sont légitimes et bienvenus.

Que ce n’est pas le Goncourt non plus et qu’elle a ses maladresses d’auteur indépendant. On ne va pas dans l’extrême sans quelques outrances.

Qu’il faut tenter l’expérience de la bande-son  (Youtube / chaine James Osmont) quels que soient ses propres goûts musicaux et son seuil de tolérance. 

Que tout ça est fictif, à 100% mais que ça pourrait être vrai aussi à 100%, en tout cas pour ce qui concerne l’aspect psychiatrique des choses. 

Que la curiosité est un bien joli défaut, en tout cas en matière d’art. Et que comme toi, vous êtes finalement assez nombreux à avoir franchi le pas d’élire un auteur indé pour la première fois grâce à ces trois drôles de livre. Et c’est une sacrée fierté. La pépinière de talents est là, pas dans les têtes de gondole des supermarchés ! Osez l’auto-édition ! 

Merci à tous. On se revoit au bord de l’abysse, si l’envie vous prend de vous en approcher… Je suis toujours partant pour échanger ! 

Merci à toi pour ce moment d’échange. Merci de t’être livré à l’interrogatoire sans fard ni masque!

18 réflexions sur “Papote d’auteur : l’interrogatoire de James Osmont par Oph

  1. Très intéressante euh…papote ! 😊
    Je voulais justement savoir si le choix de l’auto édition était un souhait de James ou si elle l’était davantage par dépit. Du coup, j’ai ma réponse. 😊 Mais je me dis aussi qu’au vu du succès de sa trilogie, quelques portes de ME pourraient peut-être s’ouvrir, non ?
    Bon, rendez-vous à Franqueville en novembre ! 😃

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