Sériale lectrice : Ge papote avec Jeanne Faivre d’Arcier

Sériale lectrice 

Ge papote avec Jeanne Faivre d’Arcier

Vous ne le savez peut-être pas, mais Jeanne, en plus d’être une auteure de talent a aussi répondu à mon appel à candidature. Jeanne a ainsi intégré la team Collectif Polar, elle est une de nos nouvelles indics

Aussi aujourd’hui, Jeanne a bien voulu nous confier quelles petites confidences sur la lectrice qu’elle est en réalité.

Alors pour en savoir un peu plus sur Jeanne et ses goûts littéraires je vous propose  pour commencer une interview

« Seriale Lectrice »



ITW Sériale Lectrice spéciale indic

 

Ge : Bonjour Jeanne, es tu prête à être soumise à la question ?

Jeanne : Yes !

Ge : Alors, , peux-tu te présenter ? je veux tout savoir, ta scolarité, ton parcours pro, ton âge, ta vie…

 Je suis Parisienne de parents et grands parents parisiens. Je précise car c’est devenu une rareté maintenant. j’ai connu Paris tout noir, avec des façades pas rénovées, crasseuses, dans leur jus, quoi.  Il y a avait aussi de charrettes qui passaient dans la rue avec des pains de glace et des verriers que l’on faisait monter pour changer une vitre en les sifflant. Des rempailleurs de chaises. Toute une époque.

J’ai été une élève moyenne à la communale, mais j’ai quand même crée un bordel inouï à huit ans en inventant dans la cour de récré une histoire de « gang de la Main Rouge «  qui a terrorisé touts les filles. Les plus bavardes se sont retrouvées dans le bureau de la dirlo et ont écopé d’une copieuse engueulade. Pas moi : mon air nunuche et un peu faux cul m’a épargnée.

Élève très brillante au lycée, surtout en français et en histoire mais nulle en math ( je n’allais même plus aux cours à la fin.) Admise en hypokhâgne mais dans le bahut où j’avais fait toute ma scolarité depuis la sixième donc j’ai bifurqué vers Lettres Classiques à Nanterre pour changer d’horizon. Et là, j’ai compris que pour moi l’enseignement n’était pas une option. Un jour j’entends un fils de bourge dans un couloir dire d’un air blasé qu’il allait se rabattre sur Science Po parce qu’il en avait marre de venir entre deux rangées de CRS depuis la gare jusqu’aux salles de cours. C’ était un an après mai 68. Je ne connaissais pas cette école ( je n’avais pas  « les bons codes « , je ne venais pas du »bon milieu ».) Mais comme j’avais une mention très bien au bac, je pouvais entrer directement en année préparatoire. Ce que j’ai fait. Il m’a fallu un an pour m’adapter au langage et aux codes ( là encore ) des étudiants de la bourgeoisie parisienne. J‘ai adoré cette école, ouverte sur le monde avec des enseignants très cool qui  nous apprenaient, l’air de rien,  la discipline et le sens de la synthèse. Ça m’a servi toute ma vie. Notamment pour faire des recherches pour mes romans plus tard. Et puis j’ai commencé à voyager sac à dos et pouce en l’air au Maghreb, au Liban,  en Syrie, Turquie,  Irak, Afghanistan, au Yemen. Des pays rayés de la carte, sauf le Liban…A l’époque, on croisait toujours, dans un ciné du Quartier Latin, un copain de l‘école qui partait à l’autre bout du monde. Je disais : «  Je peux venir ? «  et banco, c’était parti. Pour un Paris Alger en 2 chevaux. Ou alors je vendais disques et bouquins pour acheter un billet d’avion Paris Beyrouth et en route mauvaise troupe ! Le monde était plus ouvert et plus sûr qu’aujourd’hui.- et pas pollué par le tourisme de masse. Pénétrer dans un village libanais et discuter avec les gens c’était toute une aventure. Ça se terminait en général par une invitation et il fallait quatre jours pour faire tout le tour du village en passant d’une famille à l’autre !

Après quelques errements je me suis, par hasard, retrouvée chasseur de têtes pour la  santé, la mode, les cosmétiques et produits de luxe avec des clients comme Dior, Chanel, Vuitton, Sanofi et des missions « impossibles «  du genre : trouver un biologiste qui développerait des protéines du sang  pour créer des antiviraux ( si si et c’était en pleine affaire du sang contaminé, évidemment ça s’est embourbé dans le scandale, cette satanée mission ! ) Ou un « nez » pour Dior ; ou  un « planneur stratégique «  pour Coty New York. Je les identifiais à Londres ou Tokyo en parlant à des relais basés à Miami ou Hong Kong. Le monde est plus petit qu’on ne le croit. Et la mondialisation du business, j’ai bien connu, j’étais en plein dedans. Je parlais anglais avec un accent parigot et des tournures frenchy qui me filaient des complexes, mais les client me disaient que dans les multinationales, tout le monde parle un broken english avec un accent texan ou tawaïnais ou espagnol et qu’on arrive quand même à bosser, alors j’ai plongé et surnagé, bien obligée…

A 38 ans, je me remets à écrire après une interruption de sept ans liée à un échec après la publication d’un autofiction sur l’anorexie chez Flammarion. Le bouquin avait rencontré un certain succès mais c’est les suivants qui n’ont pas été publiés, c’étaient des mauvais essais de polar ratés de chez raté.  C’est grâce à Christian, mon compagnon qui  a travaillé chez Hachette et dirigé plus tard le «  Fleuve Noir » que j’ai repris confiance en moi. Il ne m’a jamais publiée mais il m’a fait lire, l’air de ne pas y toucher, toutes les stars de la Terreur anglo-saxonne : King, Koontz, Straub, Masterton… Et un jour je découvre Anne Rice et je me dit « les vampires, c’est pour moi. » Et ça repart, les vampires c’était vraiment ma veine ( ha ha !).

 

Ge : Oh merci Jeanne pour ces belles confidences. Mais…Dis-moi : Quelle place avait la lecture dans ton milieu familial ?

 

Une certaine importance. Il y avait des livres à la maison. Ma mère en achetait : chez des bouquinistes, des antiquaires ( de beaux livres anciens dans ce cas : j’ai encore la seconde édition des « Girondins » de Lamartine «  dont je me suis servie pour écrire «  Le Dernier Vampire «  qui se passe à Paris et Bordeaux sous la Terreur et de nos jours « et met en scène un avocat bordelais rattaché au mouvement girondin) Elle en achetait par des clubs de lecture  ( j’ai tous les Rougon Macquart dans une série rouge cartonnée qu’elle a achetée.).

Et mon père était typographe au Figaro Littéraire. Il rentrait du travail en disant qu’il avait vu au marbre Claude Mauriac qu’il aimait bien ( il était poli avec les ouvriers et leur serrait la main ) ou Michel Droit qu’il méprisait ( il était arrogant et hautain).

Tout ça vous forge une enfance.

Ge : Du coup, comment abordait-on le livre chez toi ?

On n’en parlait pas beaucoup, mais il n’y avait pas besoin de me pousser à lire, j’avais toujours un bouquin à la main. Et j’avais mes livres que l’on devait m’acheter, même si je ne m’en souviens pas : les Club des Cinq, la bibliothèque verte, la rose. Et puis je puisais dans les ressources familiales : j’ai essayé de lire « L’Homme qui rit » à 12 ans, un peu ardu, quand même, mais ça me fascinait. « Tout comme « le Bal des Maudits «  à 10 ans : j’adorais le titre et la reliure cartonnée rouge et noire. J’ai laissé tomber à regret : trop compliqué pour une petite fille.

 

Ge : Veux-tu bien me montrer ta/tes bibliothéque (s) :

 C’est le bordel, ça dégueule, il y a des livres partout, même par terre, sous les rayonnages. Et des piles qui se cassent la figure sur ma table de nuit et au pied de mon lit.

  

GVL : Et m’expliquer comment elles fonctionnent, comment elles sont rangées ?

A Paris, par auteur, genre : les Russes, les Français, les Anglais, les Américains, les Italiens, ou le fantastique, le pola etc . Ou par marotte : j’ai toute une bibliothèque sur les tarots et les arts divinatoires que j’ai pratiqués à une certaine époque ( c’est fini, je suis passée à la littérature, c’était plus mon truc que de recevoir des femmes en manque d’amour qui veulent savoir si leur amant marié va divorcer pour elles : tristesse, tristesse…)

Ici au Cap Ferret, où l’on est presque tout le temps depuis 12 ans, je range moins, la pièce ne s’y prête pas. Je sais, au pifomètre,  où sont les choses. Je me dis qu’il faut que j’achète un meuble de plus, mais j’aime bien mes piles finalement. Et je cherche à quatre pattes sous les rayonnages, en soufflant sur la poussière et les toiles d’araignées (si, si..)

Et je donne quand il y a du trop plein : je laisse une pile au bas de l’escalier de mon immeuble à Paris et une heure plus tard, il n’y a plus rien. Ici au ferret, je laisse dans le hall d’entrée des Epadh ou des hôpitaux et je pars en catimini. Mon critère pour faire le tri : décider si je relirai un jour le bouquin ou non. Dans le cas contraire, il quitte la maison.

Dommage que les bibliothèques ne prennent plus rien, les livres que je donne sont en très bon état, ils n’ont été lus qu’une fois.

 

Ge : Et le livre et la lecture pour toi c’est quoi ?

 Soit une drogue et l’oubli du réel, soit une manière d’acquérir des connaissances en vue de l’écriture de mes livres. C’est particulièrement vrai pour le fantastique où  j’utilise beaucoup l’histoire et les mythes : les grands mythes  hindouistes, la Révolution Française,  l’Algérie de l’époque coloniale, le Moyen-Âge, la Guerre de Cent ans, la peste noire…

Ge : Es-tu papier ou numérique ?

Papier papier, je passe cinq heures par jour devant un écran, ça suffit. Et pour moi un livre ça se trimbale partout dans une poche ou un sac.

 J’ai horreur des éditions numériques, elles rémunèrent mal l’auteur et l’éditeur. Heureusement en France, ça ne décolle pas.

Ge : En parlant de bibliothèque, vas-tu ou es-tu allée en bibliothèque ?

 Oui ici au Ferret durant une longue maladie. Et il y a longtemps, à la BN pour des recherches sur une chanteuse juive tunisienne des années 30 morte assassinée par un amant qu’elle avait éconduit et qui l’a brûlée vive. Elle était aussi célèbre que Oum Kalsoum. Quand on s’appelle Jeanne une femme brûlée vive, ça vous parle, hein ? Je plaisante : j’ai trouvé des documents très intéressants à la Bibliothèque Nationale, section Maghreb à Versailles, pour les journaux en langue française de l’époque coloniale. . Et bien sûr à l’Institut du Monde Arabe. Le recours à ce genre de fonds, très riches, c’est indispensable pour certaines recherches pointues.

 

GVL : Si oui qui as-tu trouvé, que t’ont-elles apportée ?

 J’y vais peu maintenant, mais quand je le fais, ça me permets de lire des livres que je n’aurais pas achetés, faute d’y penser ou  parce que j’aurais hésité à mettre 20 euros dans un ouvrage que je ne suis pas sûre d’apprécier. Ou aussi parce ces ouvrages-là ne sont plus dispos à la vente. Mon problème avec les bibliothèques, c’est qu’il faut rendre les livres or j’aime bien les garder. Mais j’apprécie beaucoup les responsables de médiathèques, , elles font un boulot d’animation remarquable en direction du public et elles nous mettent beaucoup en valeur, nous les auteurs. J’y fais régulièrement des animations, des ateliers d’écriture pour les adultes et la jeunesse, notamment. J’adore éveiller les enfants à la lecture et l’écriture, je pense avoir certaines dispositions pour ça ( je fais marrer les mômes, et c’est bon.) En Gironde, j’en connais un certain nombre qui  prennent des initiatives passionnantes, ( salons, rencontres, etc)  souvent avec peu de moyens, et c’est très réussi.

 

Ge : Ah les moyens en bibliothèque, tout un programme, il vaut mieux être astucieuse si on veut faire des rencontres ou monter des projets, ça je sais et vois bien ce que tu veux dire.

Dis-moi Jeanne, as-tu une librairie attitrée ? Une ou plusieurs d’abord. Une ou tu achètes tes bouquins ?

 

J’ai une bonne trentaine de librairies attitrées : celles où je dédicaces mes livres, dans le Sud Ouest. J’y vais une ou deux fois par an. C’est là où j’achète mes livres. .

 

GVL : Où achètes-tu principalement tes bouquins. (ça peut-être dans différent lieu, par exemple, moi c’est dans ma librairie de quartier, dans les librairie où je vais voir des auteurs, des librairie que je visite en vacances. Et aussi énormément sur les festivals et les salons où je vais. Parfois même c’est dans ma bibliothèque quand je reçois des auteurs…mais là c’est une libraire qui vient vendre les bouquins à la biblio pour l’occasion)

Comme je te le disais j’achète mes livres dans mes librairie du Sud Ouest

Je grappille ce qui est autour de moi pendant mes dédicaces. Je découvre des livres dont on parle peu. C’est aussi une façon de remercier le librairie ou la libraire qui m’accueille. J’achète au feeling, rarement des ouvrages récents.

J’achète aussi ne salon, mais peu, plutôt en clin d’œil à des copains auteurs que j’aime bien

 

Ge ; Bon passons aux choses sérieux, tu es toujours prêt(e) ?

Jeanne : Oui

 

Ge : Combien de livre lis-tu par semaine, par mois, par ans ?

On va dire une vingtaine par an, parfois plus, parfois moins. Ça dépend sur quoi je tombe. Et de l’actualité : je suis abonnée à Libé, il m’arrive de ne lire que la presse quinze jours d’affilée.

 

Ge : Tiens-tu décompte précis de tes lectures ?

Pas du tout, c’est le boxon, comme ma bibliothèque. Ce qui m’a marquée reste dans ma mémoire, le reste, tant pis.

 

GVL : As-tu une PAL ?

Alors dans ma pal, il y a plein de trucs mais ça bouge, car des livres que j’ai achetés  et pas encore lus sont remplacés par d’autres en fonction de mon humeur. Et il y a ceux qui passent de la PAL aux dons ( finalement, ce bouquin là, je ne le lirai pas : du genre, tiens ce livre de Tesson qu’on m’a offert, je ne veux pas le lire, je n’aime pas du tout ses positions politiques à cet auteur ( bon ça tu le mets ou pas Geneviève, c’est comme tu veux. ). ) Et des romans oubliés qui reviennent dans la PAL quand ils me tombent sous la main.

En ce moment dans la PAL, il y a Ress «  Une minute 49 secondes  » ; Incardona «  Derrière les panneaux il y a des hommes » ; John Vaillant, « Le Tigre » ; Un roman du  duo Sylver Miller /Philippe Ward  « Lasser dans les arènes du temps «  ( j’adore leur série avec un détective qui se balade dans l’Egypte des pharaons propulsée dans les années 1930/1940 c’est très inventif ) « Le Moebius Paris Venise » de François Darnaudet, Andréi Constantinov « Bandiskti « , une chronique historico-judiciaire sur le crime organisé du 18 ième siècle à nos jours, et d’autres choses que je lirai plus tard.

PS après Incardona que je te dois, je te ferai bien une critique sur la série Lasser de Miller/ Ward si tu n’as rien là-dessus. Mais pas tout de suite.

 

GVL : Ah bah j’aime bien ton PS, Jeanne, j’aime beaucoup quand tu vides ta PAL !  Mais dis-moi : Combien de livre dans ta PAL ?

On va dire entre 10 et 25 suivant les périodes. 

 

GVL : Pour toi c’est quoi ta PAL, quelles relations entretiens-tu avec elle ? Comment la vis-tu ?

Culpabilité : Ah merde, il y a ces livres-là que j’ai achetés sur un coup de coeur et que je n’ai pas ouverts depuis… 3, 6 mois, un an??? Pfft c’est nul…

Ge : Alors…..Et le polar dans tout ça ? Pourquoi tu en lis ? as-tu un rapport particulier avec le genre. (J’entends par polar tout ce qui a attrait aux littératures policières, du roman de procédure, au roman noir en passant par tous les types de thrillers…)

 J’en ai lu beaucoup pour comprendre les codes du genre puisque je voulais en écrire. Ça c’était dans les années 70/80 J’ai lu toute la littérature noire classique des années 30 aux années 80,  les Français, les Anglais, les Américains, etc. Et de l’extrême gauche à l’extrême droite puisque qu’en France ça s’est déroulé comme ça dans le milieu du polar.

J’en lis encore, moins. Surtout pour me tenir au courant des modes et voir ce que font les collègues. Mais je décrypte rapidement les astuces de construction donc ça me passionne moins qu’avant. Enfin il y a quand même des livres qui émergent du lot, heureusement.

 

 

Ge : Dis-nous, quels sont tes auteurs favoris ?

Il y a au des époques :

Dans les années 70/80 : Chandler, Patricia Highsmith, Goodis,  Eric Ambler.

Les années 90 : King , Straub,

Les années 2000 :Henning Menkell.

Je parle de ce qui me paraît vraiment incontournable du moins pour moi, ce qui m’est resté en tête.

 

Mais ça m’a marquée : mon schnauzer noir que j’adorais, qui est mort depuis peu, s’appelait Chandler.

Et je pense reprendre un  terrier du Tibet, une race que je connais bien, et il s’appellera Ripley.  C’est l’année des r pour les noms des  animaux domestiques. Et comme je me vois mal me trimballer avec un chien qui s’appellerait « Red raimbow «  ou un truc du genre à coucher dehors,  ce sera Ripley ( les noms des éleveurs pour les animaux domestiques, j’t’jure.. Tu me vois gueuler : « Red raimbow, au pied ! «  sur la plage, toi ? ))  Ripley comme Mister Ripley, of course. Ça me plaît bien d ‘avoir un chien qui porte le nom d’un tueur désinvolte, , dandy et snob qui ne se fait jamais prendre.

NDLR : Thomas « Tom » Ripley est un personnage de fiction issu d’une série de romans américains de Patricia Highsmith, publiés à partir de 1955. Le personnage a également été porté à l’écran dans plusieurs films. 

Ge :  Peux-tu nous parler de 5 livres qui t’auraient marqué ces dernières années

J’ai lu tout Peter May d’affilée l’été 2018. C’est remarquablement écrit et traduit.

Cay Rademacher, la trilogie hambourgeoise, sa description de la vie dans les ruines de Hambourg bombardée et occupée par les Américains,  les Français et les Anglais, entre 1945 et 48 est hallucinée et hallucinante.  Je trouve ça plus fort que Philipp Ker, mais bon, les goûts et les couleurs…

C’est moins récent  mais «  La malédiction Hillicker «  et «  ma part d’Ombre « de  James Ellroy. Je suis moins sensible à ses fictions, mais ses mémoires me touchent beaucoup.

« Laetitia » de Ian Jablonka, la vie et la mort d’une ado tuée dans la région de Nantes après avoir été violée pendant des années par le père de sa famille d’accueil. Tragique et émouvant, écrit au scalpel au plus près du drame, avec beaucoup d’empathie et de respect.

Toutes les biographies ( ben oui, ça me prend comme ça quand j’aime un auteur )de  Philippe Jaenada. « Le Serpe «  et « La petite femelle » m’ont bouleversée en particulier, moins « Sulak ».  Jaenada a l’art de rendre émouvants des personnages a priori antipathiques et répugnants, comme Pauline Dubuisson. Et il leur restitue leur humanité et leur innocence comme dans « la Serpe » pour Philippe Girard. Et puis il a un humour décapant basé sur l’auto dérision que j’adore. Et un art des digressions éblouissant. Il se paume et te paume à priori dans les embrouilles de sa vie quotidienne mais c’est pour mieux revenir en force sur son sujet. C’est une façon de respirer quand il est en apnée dans le drame, je suppose. Enfin moi, il me fait rire, alors qu’a priori les sujets qu’il traite ne prêtent pas à l’humour.

 

Ge :  Voilà des choix qui me vont bien ! Fréquentes-tu les festivals et autres salons…Si oui depuis quand ?

Oui depuis une dizaine d’années, j’en fais une dizaine par an, polar, fantastique, jeunesse. Jeunesse c’est chouette, c’est centré sur des interventions en milieu scolaire, j’aime beaucoup, les mômes sont cash, ils disent ce qu’ils aiment et ce qu’ils n’aiment pas. C’est bien surtout quand je peux animer des ateliers d’écriture en partant de mes polars jeunesse.

 

Ge : Que t’apportent ces salons, ces rencontres ?

Une respiration, quand on écrit on est seul. Et puis c’est une façon de voir les copains auteurs et de boire un coup ( en général, il y a du bon pinard et parfois du champagne ; du vin blanc, des huîtres enfin, tu vois ce que je veux dire, hein ?)

Ge : Des huîtres, j’arrive ! ahaha, Non plus sérieusement, peux-tu partager une anecdote avec nous, un truc rien qu’à toi !

Une dédicace un jour dans une librairie d’Arcachon. Arrive un môme de dix ans, cheveux blond paille, grosses binocles, taches de rousseur, bermuda framboise et tennis bleues qui attrape un de mes romans jeunesse sur un portant, lit à haute voix la quatrième de couv en trébuchant sur les mots et crie à sa mère : «  Maman, ce livre là il a l’a très bien, tu me l’offres ? «  Le gosse ne m’a pas vue, je n’ai rien dit, j’avais les larmes aux yeux. Des anecdotes j’en ai plein. Celle d’un autre enfant qui pousse ses parents à faire une heure de voiture entre la médiathèque d’une ville du bassin d’Arcachon où j’avais animé un atelier d’écriture le matin et la Fnac de Bordeaux où je dédicaçais l’après-midi pour me donner un  dessin qu’il avait fait à partir d’un de mes livres. J’étais hallucinée, je lui ai fait un gros bisou.  j’ai des correspondances par mail avec des enfants que je rencontre en dédicaces. Après ils grandissent et passent à autre chose,  mais ça peut durer un an ou deux. C’est formidable d’écrire pour la jeunesse, très gratifiant

Jeanne Faivre d’Arcier

Ge :  Whaou…Sinon…rien à ajouter ?

 Pfft non.

 

Ge : Tu es certaine que c’est ton dernier mot ?

Voui voui.

 

Ge : Allez un petit coup de gueule. ET Un gros coup de cœur… ?

 Qu’on n’ait pas permis aux librairies indépendantes qui le souhaitaient d’ouvrir plus tôt pendant ce déconfinement en respectant les gestes barrière et en mettant en place ce qu’il fallait (gel, etc). Il n’y a pas plus de virus sur un bouquin que sur un paquet d’Omo, non ? ça m’énerve ça m’énerve !! Et pendant ce temps-là Amazon s’est goinfré. Merde ( là !)

Et un grand coup de chapeau à tous ces acteurs passionnés  de la chaîne du livre qui nous défendent, nous les auteurs, en aval des éditeurs : libraires, bibliothécaires, blogueurs, journalistes, merci, merci, merci !

Ge :  Merci Jeanne pour ces petites confidences, et à très vite sur Collectif Polar. Et merci à toi d’être venue compléter notre team. J’ai vraiment de la chance.

Et chers polardeux, n’hésitez pas à découvrir les romans de Jeanne. Foi de porte flingue.

13 réflexions sur “Sériale lectrice : Ge papote avec Jeanne Faivre d’Arcier

  1. Bon et bien merci Madame GE !!!

    Voilà encore la découverte d’une autre Grande Dame, comme je les aime… Une vraie… Un jour donc, j’espère avoir la chance de la rencontrer lors de mes passages en salon tellement que j’ai été enchanté de la découvrir au gré de ses anecdotes… Magnifique conteuse… J’ai bu ses réponses, comme un gamin…

    Et bée… Tu vois, pour la confession intime, c’est grâce à toi que je me sens pousser des ailes quand j’écris parce que tu as toujours le chic pour ouvrir mes mirettes sur des gens qui ont un coeur énorme et qui savent partager en toute simplicité…

    Des bises de l’animal qui repart à la lecture de ses 3668 mails de chroniques en retard… Vive les périodes d’hospitalisation et les convalescences forcées… PS, ne sois pas étonné donc si je like des articles de 2018, ça va arriver sous peu…

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    • Ce que je constate mon Animal c’est que tu vas un peu mieux malgré ton hospitalisation. Et ton retour parmi nous ne réjouie à un plus haut point.
      Comme toujours tes mots sont touchants.
      Et merci à toi de passer par ici, ton regard sur le monde et les autres est tellement acéré aussi que ce que tu dis sur Jeanne est vraiment adorable.
      Surtout prends soin de toi et sache que je pense à toi souvent et très fort.
      Et de toi rien ne m’étonne, tout me fais plaisir au contraire.

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      • Comme toujours, chère GE, je me tiens à ma place, dans l’ombre… Préférant au final et en silence à me délecter, parfois, pas tout le temps, faut pas exagérer quand même, d’apprendre des choses auprès de vos partages et autres découvertes…

        Marrant d’ailleurs de redécouvrir cette période difficile avec un oeil neuf. De suivre les lectures partagées, souvent motivées par l’actualité des Maisons d’Editions et leurs sorties littéraires… J’aime tout ce Cirque dont j’en suis, en toute honnêteté, l’un des clowns…

        De noter surtout sur des feuilles blanches des tas de nouveaux livres à lire et là, je ne déconne pas, je me demande bien comment je vais faire entre ceux qui me permettent de rechercher l’immersion de mes futurs textes et ceux pour mon plaisir personnel…

        Bref, je n’hésiterai pas à revenir vers toi pour réparer nos précédents rendez-vous manqués… ça se précise et on en reparlera… Le principal est que j’espère te revoir en bonne santé… L’essentiel est là…

        Des bises de la cave harlémite…

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  2. Quel rêve que ta bibliothèque. Lorsque j’habitais Bruxelles dans un cent mètres carrés j’en avais de la place pour les livres qui s’agglutinaient. Je suis arrivée à Bordeaux dans un 42 m2. Que faire ? Il a fallu choisir. Un déchirement. La bibliothèque de Bordeaux à Mériadeck un enchantement sauf que j’aime garder des livres papier. Si je n’ai pas de place comment je fais pour acheter une dernière parution ? Tu me donnes la recette et je prends. 😀

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