L’année de la sauterelle, Terry Hayes

Le livre :  L’année de la sauterelle de Terry Hayes ; traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sophie Bastide-Foltz. Paru le 20 mars 2024 chez Lattes. 23€90. (686 p.) ; 23 x 15 cm

4e couv :

Pour un agent de la CIA envoyé sur le terrain, les frontières n’ont plus d’importance. L’objectif est de s’infiltrer, d’accomplir sa mission et de quitter la zone par tous les moyens.

Mais dans certaines régions hostiles, aux confins du Pakistan, de l’Iran et de l’Afghanistan, la violence est la seule voie pour survivre.

Et lorsque l’exfiltration d’une source cruciale conduit cet agent à croiser la route d’un terroriste qu’on disait mort, c’est la sécurité de tout l’Occident qui est menacée.

L’auteur :Terry Hayes est un romancier, scénariste et producteur anglo-australien. Père de quatre enfants, il vit en Suisse avec sa femme américaine, Kristen.
Né en Angleterre, il émigre dès son plus jeune âge en Australie où il suivi une formation de journaliste.
Terry Hayes a vécu à Los Angoles. Il écrit plusieurs scénarios qui ont été portés à l’écran par de grands studios de Hollywood, dont Dead Calm, From Hell, et Mad Max 2. Je suis Pilgrim, son premier roman (Lattès, 2014) a été un best-seller traduit le monde entier.

 

 

Extraits : 
« Là, sous le regard de la foule rassemblée, les Gardiens de la révolution obligèrent ces hommes et ces femmes terrifiés à monter sur une petite plate-forme placée à l’extrémité de la portée de la flèche. Une pancarte identifiant chaque prisonnier comme un espion du « Grand Satan » fut accrochée à sa poitrine, puis un nœud coulant, communément appelé dans le pays la « cravate iranienne », fut passé autour de leur cou. »
« (…)au bout de ce qui parut une éternité, l’homme au mégaphone cria : « Allez-y ! »
Dans un même mouvement, les gardiens poussèrent les prisonniers en avant. Dix paires de pieds quittèrent les plates-formes en bois, une exclamation contenue parcourut la foule. Les parents et les amis regardèrent les chaussures et les sandales pleuvoir pendant la chute des suppliciés.
Durant ce plongeon vers la place en contrebas, les cordes se déroulèrent à toute vitesse au-dessus d’eux. Arrivées au bout, elles claquèrent contre leur attache, les nœuds coulants se resserrèrent autour des dix gorges, les prisonniers furent agités d’une secousse et leurs cervicales instantanément brisées.
Pas un mot ne parvint de la foule ; seuls les gémissements des familles brisaient le silence, tandis que les dix corps se balançaient doucement dans la brise chaude du Moyen-Orient. »     
  « En raison du mystère entourant sa véritable identité – et, à mon avis, par respect pour son impressionnante capacité à disparaître –, l’une des intellectuelles de l’Agence lui donna le nom de code Magus, ou mage, sorcier, magicien ; un mot qui trouve ses racines dans l’Antiquité. La Bible nous dit que les trois rois qui ont apporté l’or, l’encens et la myrrhe pour célébrer la naissance de Jésus étaient des mages. Ainsi, la CIA – qui, durant ces derniers soixante-quinze ans, avait été pionnière dans l’art occulte de l’espionnage – avait enfin rencontré un magicien et un opérateur solo presque aussi bon qu’elle-même. »     
« Seule une poignée d’espions américains avait réussi à s’infiltrer dans le pays, et peu d’entre eux en étaient revenus vivants. Dès lors, trente-deux kilomètres plus loin, dans le désert, se trouvait sa frontière étroitement gardée. Tout ce que j’avais à faire, c’était de la traverser – sans être vu, tel un fantôme dans la nuit. »

 

 « Il s’agissait de charniers. Comme les camps de la mort nazis en Pologne, les arbres où pendaient des centaines de nœuds coulants après le génocide au Cambodge, et les arènes en Espagne transformées par Franco en abattoirs humains. Les Allemands étaient protestants, les Cambodgiens bouddhistes, les Espagnols catholiques et ceux qui avaient tué dans cette forêt étaient probablement musulmans. Si la vie m’a enseigné quelque chose, c’est que le mal ne pratique aucune discrimination à l’embauche. »
« Je suis allé tuer un homme, un jour. En d’autres temps, quand j’étais plus jeune, pour mon travail, j’ai sillonné les ruelles de Tokyo éclairées au néon, regardé le soleil se lever sur la mosquée des Neuf Dômes et attendu sur le front de mer de la vieille ville d’Istanbul pendant qu’une femme pleurait toutes les larmes de son corps.
Cette fois, je me trouvais loin à l’est, là où la mer Égée se jette dans la Méditerranée et où le soleil turc cogne sur un chapelet d’îles minuscules. La plus petite d’entre elles était aussi la plus isolée. Les vagues venaient se briser contre l’épave d’un cargo échoué sur un récif, des courants dangereux tourbillonnaient dans des criques, et un village de pêcheurs, dont les embarcations en bois avaient disparu depuis longtemps, n’était désormais plus que ruines. »

Chronique de Flingueuse : Le billet de Chantal

                   L’année de la sauterelle, Terry Hayes

 

Je ne vais pas être très originale si je dis que, ayant encore un souvenir quasi ébloui du Je suis Pilgrim, j’attendais avec impatience la sortie de L’année de la sauterelle, de l’auteur Terry Hayes. Quand on a gardé en mémoire un roman, voire quand on le caresse des yeux de temps en temps dans sa bibliothèque, on est très demandeur : l’opus suivant de l’auteur sera-t-il …. à la hauteur ?!

La longueur du récit ne peut, ne doit pas faire reculer le lecteur. Bon, il faut aimer le genre, roman d’espionnage ancré dans le monde d’aujourd’hui, avec un héros tout ce qu’il y a de mieux mais ce n’est pas Superman non plus, et en cela, il est intéressant. De plus, c’est le narrateur, et le lecteur a son point de vue la plupart du temps. Vision subjective donc des événements, vécus de l’intérieur. Ça a un avantage : on est quasi certain que ce héros, Ridley Walker, auquel on va s’attacher sans doute, survivra à tout, puisqu’il raconte !!!

J’ai beaucoup apprécié la première partie du récit, dans lequel le héros est envoyé récupérer en Iran un informateur, et ce dans une zone dangereuse. Malgré tous les soins apportés à la mission, celle-ci échouera et vaudra au lecteur des moments de grande tension. L’horrible fin de l’informateur est une séquence plutôt difficile ….  Et puis, Ridley fera un pas de côté par rapport à sa mission (la mission, rien que la mission …), ce qui va le jeter tout droit dans les bras de ceux qu’il combat, l’État islamique et tout particulièrement une de ses branches ultra-extrémistes. Et c’est là que l’on rencontre un autre personnage clé du roman : Roman Kasinski, converti à l’Islam le plus radical, et convaincu d’être l’ange exterminateur de l’Occident … Excellente séquence d’action, où violence et suspens ne ménagent pas le lecteur.

Et la sauterelle, direz-vous ? La voilà, magnifiquement déployée sur le dos de Kasinski, ce fou religieux. Et son heure va bientôt arriver….

On l’a compris, malgré des digressions, des temps de repos si l’on peut dire, Ridley Walker n’aura de cesse de retrouver cet homme, qu’il poursuivra jusqu’à Baïkonour, dans une base secrète d’où risque de s’échapper une belle poussière venue du cosmos capable de transformer l’humanité en brutes monstrueuses.

Je disais plus haut que notre héros n’est pas Superman, mais quand même, pas loin … Il ne sortira pas indemne de ces aventures extrêmes à tout point de vue, mais il s’en sortira.

Je n’ai pas évoqué deux personnages féminins qui entourent Ridley. Souvent, l’espion est seul dans la vie. Une famille, c’est encombrant pour les « légendes ». Ici, le héros est en couple, et aura, peut-être, même des enfants. L’auteur nous fait partager les affres de Rebecca, médecin, embarquée elle aussi dans une partie de la mission de Ridley, au péril de sa vie…

Autre personnage intéressant, car d’une autre culture : Laleh, jeune femme rencontrée par le narrateur au cours de sa mission d’exfiltration en Iran, et à qui il devra en partie la vie.

Ces deux femmes offrent quelque respiration à la dangereuse vie de Ridley, voire un petit côté romantique en ce qui concerne Rebecca. Après tout, même les espions ont un cœur !

Ai-je au final dévoré ce roman de 686 pages ? Oui pour la première partie, un peu moins pour le second volet, si je puis dire, dans lequel on est embarqué avec le héros, dans un épisode surprenant, qui sort le lecteur de sa lecture assez classique jusque-là ! J’ai moins « marché » …

On ne s’ennuie pas, c’est sûr, même s’il n’y pas sans arrêt un rythme effréné. Les méchants le sont parfaitement, et le camp du « bien » est à niveau ! Le style est agréable à lire, les lieux, les atmosphères, les paysages sont fort évocateurs, le caractère des personnages bien développé tout au long du roman. Les stratégies de la CIA, les prouesses de la technologie font aussi partie du plaisir de lecture. Sans compter la peur subtilement distillée d’un effondrement de la civilisation .si le héros n’arrive pas à temps.…

Bref ! Il faut se lancer sans trop hésiter dans cette chasse à la sauterelle, qui comme on sait, est un épouvantable fléau dès lors qu’elles se multiplient …

 

Autres extraits :
« Je n’ai pas été surpris par le calme de la foule. J’ai eu le malheur d’assister à un certain nombre de mises à mort – plusieurs devant un peloton d’exécution, deux par pendaison et une où un vieil homme avait été attaché à une chaise électrique et contraint de « chevaucher la foudre », comme disent les gardiens du couloir de la mort. Je peux vous l’assurer : la terreur qui se lit sur le visage d’un homme ou d’une femme au moment où tous ses espoirs sont sur le point de disparaître dans l’éternité ne vous quittera plus jamais. Ce souvenir-là resurgira à 3 heures du matin, lorsque ce que vous redoutez le plus approche et monte l’escalier pour s’en prendre à vous. »
« Comme on pouvait s’y attendre, la CIA – l’organisation à la fois imparfaite mais brillante pour laquelle j’avais travaillé les douze années précédentes – a fait de nombreuses tentatives pour le retrouver, mais aucune n’a jamais abouti et, comme de nouvelles preuves de son double jeu se manifestaient chaque jour, il a fini par devenir une sorte de légende noire pour les services de renseignement américains. Pire encore, les analystes de l’Agence qui creusèrent la question découvrirent qu’au fil des ans il avait endossé tellement de fausses identités que l’institution avait fini par reconnaître qu’elle n’avait aucune idée de qui il était vraiment. Peut-être qu’il n’était même pas allemand. »
« Par un étrange concours de circonstances, je faisais partie d’un petit groupe d’agents spécialisés dans la pénétration de ce que l’on appelle des Zones interdites d’accès – des endroits sous contrôle total de l’ennemi comme la Russie et la Syrie, la Corée du Nord, l’Iran et les zones tribales du Pakistan –, et je savais donc mieux que personne comment un individu traqué pouvait éviter d’être découvert.
En bref, le Mage savait se cacher. Et moi aussi. »
« Je quittai la ville, roulant aussi vite que possible vers l’ouest sur huit cents kilomètres avec, à ma gauche, la mer turquoise et, devant moi, rien que le bitume noir et miroitant. À mesure que les kilomètres défilaient dans mon rétroviseur, le pays se transformait en l’un des endroits les plus solitaires et désolés que j’eusse jamais vus. Jusqu’au moment où je finis par m’arrêter sur une crête pour regarder l’horizon et découvris devant moi une terre aride, des gorges profondes et des falaises de granit infranchissables. Ce fut mon premier aperçu de Jomhuri-ye Eslami-ye Iran – la République islamique d’Iran.   
« Daech avait alors donné naissance à cinq grandes ramifications et les dirigeants de la meilleure ou de la pire d’entre elles, baptisée l’Armée des Purs, avaient rejoint le sud et trouvé refuge au milieu des piliers de granit, des vieux villages et des vallées enfouies de la frontière entre l’Iran et le Pakistan. Comme le dit cette vieille blague : « Pourquoi Dieu a-t-il créé cette zone frontière, ces badlands ? Pour donner une bonne image de l’Afghanistan. » « 

 

 

Lu dans le cadre de 4 défis littéraires

 

 

– Challenge Thriller et polar 2023- 2024 chez Sharon 

  le tour du monde en 80 jours chez Bidib (Royaume-Uni et Australie)

 – challenge  Le Mois anglais chez Lou et Hilde

— Challenge « American Year » (2023/2024) – The Cannibal Lecteur et Chroniques Littéraires

6 réflexions sur “L’année de la sauterelle, Terry Hayes

  1. « je suis Pilgrim » était un bon divertissement, mais il avait ses points faibles (manichéisme et la vengeance était un peu trop tarabiscotée et capillotractée). Donc, j’hésite ! 😉 Mais je te remercie pour ton 45ème lien !

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