Le Jardin Arc-en-ciel d’Ito Ogawa

Le livre : Le Jardin Arc-en-ciel d’Ito Ogawa ; traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako. Paru le 1er septembre 2016 chez Piquier. Réédité en poche le 23 août 2018.8€50.  (357 p.) ; 17 x 11 cm

4e de couv : 

Izumi, jeune mère célibataire, rencontre Chiyoko, lycéenne en classe de terminale, au moment où celle-ci s’apprête à se jeter sous un train. Quelques jours plus tard, elles feront l’amour sur la terrasse d’Izumi et ne se quitteront plus. Avec le petit Sosûke, le fils d’Izumi, elles trouvent refuge dans un village de montagne, sous le plus beau ciel étoilé du Japon, où Chiyoko donne naissance à la bien nommée Takara-le-miracle ; ils forment désormais la famille Takashima et dressent le pavillon arc-en-ciel sur le toit d’une maison d’hôtes, nouvelle en son genre.

Il y a quelque chose de communicatif dans la bienveillance et la sollicitude avec lesquelles la famille accueille tous ceux qui se présentent : des couples homosexuels, des étudiants, des gens seuls, des gens qui souffrent, mais rien de tel qu’un copieux nabe ou des tempuras d’angélique pour faire parler les visiteurs ! Tous repartiront apaisés. Et heureux.

Pas à pas, Ogawa Ito dessine le chemin parfois difficile, face à l’intolérance et aux préjugés, d’une famille pas comme les autres, et ne cesse jamais de nous prouver que l’amour est l’émotion dont les bienfaits sont les plus puissants.

On réserverait bien une chambre à la Maison d’hôtes de l’Arc-en-ciel !

L’auteure : Née en 1973, Ogawa Ito a écrit des livres pour enfants, des chansons pour le groupe de musique Fairlife, des textes pour des magazines de cuisine et de voyage, et des romans. Deux d’entre eux ont déjà été traduits aux Editions Philippe Picquier, Le Restaurant de l’amour retrouvé et Le Ruban.

 

Extraits : 
« J’avais six ans.
Elle, elle était plantée sur le quai. Avec chaque train qui passait, le ruban rouge de son uniforme dansait dans le vent, il faisait comme un petit bond souple. On était en été. Je m’en souviens très bien, parce que c’était la veille de mon anniversaire.
— Sôsuke !
Quelque part, j’ai entendu la voix de maman qui m’appelait. A l’époque, j’adorais les trains et, pressé de les voir, je l’avais précédée sur le quai. Du coup, entraîné par la foule, j’avais été séparé de maman.
— Sôsuke !
Lorsqu’elle m’a appelé pour la deuxième fois, je me suis rendu compte que je tenais la jeune fille par la main. Troublé, j’ai vite lâché sa main. Mon cœur s’est mis à cogner, comme s’il tapait des pieds. Soudain, j’avais du mal à respirer, la gorge sèche.
La main que j’avais retirée de celle de la jeune fille était toute moite. Exactement comme si je tenais serrées dans mon poing les larmes qui coulaient sur ses joues. Le vacarme des trains qui passaient étouffait le son de ses sanglots, mais je suis sûr qu’elle pleurait. »
« Toi, tu auras une vie difficile. Pas mauvaise pour autant. Mouvementée, mais tu feras une belle rencontre.
Et puis, regarde, ici, ta ligne de cœur est nettement visible, a-t-elle dit, et avec une loupe, elle a étudié attentivement cette prétendue ligne de cœur gravée sur ma paume. J’ai oublié la suite.
Choko, tu vas rencontrer quelqu’un de bien !
Mes amies, qui s’étaient aussi fait lire les lignes de la main, étaient enthousiasmées. Détachée, je regardais d’un œil froid et distant ces filles naïves. C’est toujours pareil. Je suis incapable de fraterniser avec les autres. »   
« Le sexe avec mon mari n’avait été qu’une épreuve, j’étais incapable du moindre geste qui lui aurait donné du plaisir. Si je m’étais réjouie de ma grossesse, c’était parce que pour un temps cela m’épargnerait les rapports avec lui. Mais là, c’était différent.
Chiyoko caressait délicatement ma peau, comme si elle m’effeuillait. Cela n’avait rien de douloureux. Rien d’une démangeaison, ou d’un chatouillement. La cuticule de mes ongles, l’envers du lobe de mes oreilles, le creux de mon nombril, mes chevilles, jusqu’à la plante de mes pieds, elle m’effleurait partout avec douceur, en légèreté, à un rythme agréable.
Une seule fois, le visage de Sôsuke m’a traversé l’esprit, pour s’évanouir aussitôt. Mes os, ma langue, mon cerveau, mes cheveux, tout a fondu, j’avais l’impression d’être devenue une onctueuse goutte de nectar translucide.
— Izumi !
A l’instant où j’ai entendu mon prénom, les doigts de Chiyoko ont pénétré sans peine dans la petite grotte au creux de mon corps. Incapable de résister, j’ai pris sa tête entre mes deux mains et l’ai serrée contre ma poitrine.
— Je t’aime, a soufflé la voix rauque de Chiyoko. »
« — Attends !
J’ai traversé la passerelle à fond de train et, en descendant l’escalier qui menait au quai sur lequel elle se trouvait, je l’ai interpellée en criant.
Ce qu’elle s’apprêtait à faire n’était pas difficile à imaginer. Déjà l’autre jour, elle avait ce regard qui ne trompe pas. Et pourtant, personne ne lui adressait la parole, ne tentait de la retenir.
Arrivée auprès d’elle au terme d’une course folle, je lui ai dit, d’un ton volontairement comique :
— Qu’est-ce que tu fabriques, tu as fait tomber quelque chose sur les rails ?
Interloquée, elle a imperceptiblement relevé le visage.
— Nan, je blague. Moi aussi, j’ai souvent envie de mourir.
— Hein ? »

Chronique de Flingueuse : Les émotions lecture de Cécile

Le Jardin Arc-en-ciel d’Ito Ogawa.

Une femme et une jeune femme se sauvent mutuellement. Leur amour envers et contre tout et tous sera le plus fort. La maturité de la plus jeune rencontre la persévérance et l’indulgence de la plus âgée. Une famille recomposée arc en-ciel.

Des sujets difficiles: l’intolérance, l’acceptation de la différence, l’adolescence des enfants dans un couple homosexuel, rien ne leur est épargné.

Pourtant un livre qui fait du bien. L’amour qui nait et grandit enveloppe cette famille comme le lecteur. Une bulle arc-en-ciel avec un message  : ensemble, on est plus fort. On s’aime. C’est le seul message à retenir et qui vaille la peine.

Un amour pour tous qui devrait quel que soient nos identités , nos genres, nos différences être notre moteur.

Une lecture que je ne peux que vous conseiller dans cette période où les messages de division et de haine fleurissent comme de la mauvaise graine 🌈📚

Et une lecture en raccord avec Stonewall aux éditions Abstractions au profit d’Urgence Homophobie auquel je participe modestement.

Que nous soyons des alliés ou concernés, l’important est l’union pour la liberté d’exister et d’aimer pour tous 🌈❤️📚

 

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Autres extraits :
« Main dans la main, nous avons contemplé le ciel d’été. A un moment, ses paupières se sont fermées, elle s’est endormie. J’avais envie de voir une étoile filante, moi aussi. Mais en admettant que j’aie cette chance, quel vœu aurais-je bien pu faire ? Dans l’immédiat, rien ne me venait à l’esprit.
J’avais cru la sauver, mais réflexion faite, c’était moi qu’elle avait sauvée. »
« Serrées l’une contre l’autre, en nous soutenant mutuellement, Chiyoko et moi nous sommes peu à peu rapprochées du gazon artificiel. Je ne tenais plus sur mes jambes. A l’instant où j’ai glissé à terre, le corps de Chiyoko a délicatement recouvert le mien.
J’étais en pleine confusion, je ne savais pas comment réagir. Alors que dans ma tête, je disais non, je tentais de résister, dans les faits, j’étais incapable du moindre mouvement. Je souhaitais que la nuit tombe rapidement, que l’obscurité cache mon visage et mon corps. Mais évidemment, à ce moment-là, le soleil couchant, dans un ultime sursaut, a dardé ses derniers rayons, illuminant tout. J’étais étendue par terre, dans une posture indécente. »
« — Dis-moi, Izumi, tu sais ce qui est bien ou mal, toi ? Je ne fais de mal à personne, alors pourquoi je ne pourrais pas vivre comme je l’entends ? Pourquoi faut-il que mes parents rejettent mon homosexualité ? Je ne veux pas rester là-bas, j’étouffe.
Elle avait débité sa tirade d’une traite, hors d’elle. »

 Lu dans le cadre de 3 défis littéraires

–  Pride Month 2024

  le tour du monde en 80 jours chez Bidib (Japon)

– Challenge Juillet Sororité chez Stelphique et année Sororité chez Collectif Polar

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