La dissidence des cancrelats de Romain R. Martin

La double Chronique

Une nouvelle fois deux flingueuses nous offre leur avis sur une même lecture

Ce matin c’est Eppy Fanny qui nous livre sa Kronik


Le livre : La dissidence des cancrelats de Romain R. Martin; Paru le 18 novembre 2020 Aux Editions LBS (collection Sauvage). 14€80. (244 p.) ; 20 x 13 cm

4e de couv

Le sombre Paris. Les profondeurs du métro.

Claude Sorensen et Werther, agents de maintenance autoproclamés de la RATP, finissent leur quotidienne et méthodique nuit de labeur.

Rentrés dans leur « terrier » situé sous le chemin de fer, les deux excentriques sont attaqués dans leur juste sommeil par un collègue travesti en sage-femme. C’est l’incompréhension. L’agression nécessite légitime vengeance.

Démarre une course-poursuite contre l’assaillant, fuite en avant et sans retour pour les trois parias, au coeur d’un monde dément et hostile : le « dédale » et ses multiples ramifications. Les « boyaux »…

 
L’auteur : Romain R. Martin est né à Vire en 1979 en Normandie. Il vit aujourd’hui à Paris.
Jeune adulte et passionné de musique metal, il quitte le lycée au premier trimestre de terminal pour devenir musicien et travailler avec un petit label spécialisé de la Drôme.
En 2007, il déménage sur la capitale pour se réorienter vers le montage vidéo et le graphisme. Puis en 2011, il s’engage pour cinq ans en tant que réserviste Police nationale.
Son contrat terminé, il se met à l’écriture de son premier roman: « Vermines » (Flamant Noir éditions, 2018). Après de nombreux salons littéraires sélections et porté par le succès critique, il écrit « La Dissidence des Cancrelats » (LBS éditions, 2020).
Outre le fait que sa mère l’ait toujours poussé à écrire, c’est l’accumulation de situations improbables, tristes, voire grotesques, rencontrées au sein de la police, mais plus généralement au fil de sa vie, qui lui donne le goût de l’écriture.
Amateur d’humour noir avec un intérêt prononcé pour le dérisoire et l’absurde, il trouve dans la rédaction de l’imaginaire un refuge et une parfaite scène de théâtre pour y faire vivre ses personnages excentriques.
Thriller noir, saupoudré d’un humour grinçant redoutable d’efficacité, « La Dissidence des Cancrelats » de Romain R. Martin est, une nouvelle fois, une expérience marquante, hors des sentiers battus du genre littéraire

 

Extrait : 
Ils jouent tous à Dieu. Mal adaptés, maîtrisant peu leur vie, ils se jurent d’y parvenir à travers d’obéissantes et rassurantes écritures. Naïvement, ils pensent avoir trouvé là, l’ultime refuge face à la férocité du monde. Car tout est menace. Ils se convainquent : « Ici, tout sera ordonné, sécurisé selon ma volonté. » Évidement, la séquence créatrice est éphémère et la forteresse de papier se révèle bien vite être de pacotille tant elle est un triste leurre. Quel que soit notre élan, la vitesse de notre fuite en avant, implacable, le cruel principe de réalité nous rattrape tous une fois la plume posée.

la Kronik d’Eppy Fanny

« LA DISSIDENCE DES CANCRELATS »  Romain R. MARTIN

Aux Editions LBS (collection Sauvage)

ISBN 978-2-490742-20-2

Ceux qui ont déjà lu Romain reconnaitront son style particulier dès les premières lignes. L’écriture est remarquable, ciselée, noire et à part. J’ai retrouvé l’univers de l’auteur découvert lors de la lecture de son roman Vermines.

Une fois encore, dans ce nouveau récit, Romain s’attache à dépeindre des êtres marginaux et tourmentés. Et il réussit avec brio. Il est vrai que la noirceur humaine est sans fond.

Dans ce roman, Romain nous entraine dans les profondeurs du métro parisien où un ramassis de laissés-pour-compte vit là, si proche et pourtant si loin de ce monde « normal » grouillant, qui s’entasse sur les quais. Troupeau hébété par cette normalité imposée.

Dans les profondeurs, ce monde d’invisibles vit suivant leurs propres codes, et la violence y est omniprésente. Dans les tunnels, Claude Sorensen, tel Thor avec son marteau, et Wherter, sa compagne, effectuent méthodiquement leur ronde. Autoproclamés agents de maintenance de la RATP. Claude tape donc avec conviction sur les barres pour les « redresser » tandis que les sombres pensées de Wherter roulent et enflent sous son crâne.

Extrait page 18 :

« Enfin, lorsque mon vil et viril Sorensen a refermé si magnifiquement la porte du dernier wagon visité, j’ai eu l’irrépressible envie d’y glisser ILLICO PRESTO ma petite tête de maboule afin qu’elle pète aussi vite qu’un masochiste grain de blé noir devenu pop-corn-dément. »

Une fois terminé leur labeur nocturne, ils rentrent dans leur foyer : le terrier, où ils  cohabitent avec « Fausto ». Il y vivait seul et tranquille  mais le duo s’est imposé par la force, et depuis, il est à leur service. Fausto, sa rancœur et sa colère, ça fait un moment qu’il les rumine. Un jour de trop, un billet de loto froissé jeté à la poubelle et sa colère, sa vengeance vont fondre sur les amoureux déjantés. Lui dont le nom d’avant est Patrice Brebis, va devenir un loup. Car il a un objectif : quitter le monde d’en bas pour aider son prochain. Et rien ne le freinera : sa liberté lui a été promise…

Dans ces tunnels où vivent tous ces cloportes, loin de la surface, de la normalité (mais où est la normalité ?), il y a des codes et des règles à respecter, établis par un garant, tel un juge de paix : Magnus. Il se déplace dans une chaise à roulettes hors norme qu’il manœuvre grâce à une double pagaie de kayac. Pour obtenir une audience et demander que justice soit rendue, il faut respecter un protocole strict. Sinon gare à son courroux !

Extrait page 83 :

« – Ma miséricorde prime toujours sur ma colère. Je condamne le crime, jamais le criminel. Allons au diable nos enfantillages, Brebis ! Oublions tout ceci, Voulez-vous ? Une chance pour vous que je sois cet honnête homme, modeste fruit tombé de l’arbre droit de l’intégrité après une longue et méthodique éducation.

 –  … »

Mais sous terre, comme à la surface, la probité du décideur n’est pas forcément au rendez-vous. Car ici, comme ailleurs, la cupidité et le pouvoir marchent main dans la main.

Débute alors une course-poursuite dans les sous-sols qui se poursuivra à la surface où les comptes se régleront.

Romain nous offre un récit grinçant, dans lequel, tour à tour, les personnages s’expriment. Le lecteur est successivement dans la tête de chaque protagoniste, donnant encore plus de force à ce thriller noir, très noir, mais bourré d’un humour féroce.

Une fois encore inclassable, mais totalement addictif.

Bravo Romain.

17 réflexions sur “La dissidence des cancrelats de Romain R. Martin

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