Ange de Philippe Hauret

Le livre : Ange de Philippe Hauret. Paru le 15 septembre 2020 aux éditions Jigal dans la collection Polar.18€. (206 p.) ; 20 x 13 cm

4ème de couverture : 

Ange est une jeune femme rebelle, survoltée et aventureuse qui profite de sa séduisante plastique pour attirer de riches entrepreneurs avant de les dépouiller.

Elle partage un appartement avec Elton, son ami d’enfance. Ce dernier passe ses journées, rivé sur le canapé, devant la télé, tout en se rêvant multimillionnaire. Lorsque Ange rencontre Thierry Tomasson, véritable icône télévisuelle, elle s’imagine déjà mener une brillante carrière de chroniqueuse. L’animateur, surtout soucieux de s’adjuger ses jolies formes, va vite la faire déchanter… Pour se venger, Ange concocte alors un plan machiavélique en entraînant Elton dans son sillage. Mais on ne s’attaque pas à un présentateur vedette sans en subir de fâcheuses conséquences. Et bien que Ange puisse toujours compter sur sa niaque et son sens inné de l’embrouille pour retourner la situation, le destin peut parfois se montrer facétieux et impitoyable…

L’auteur :  Né en 1963 à Chamalières, Philippe Hauret passe son enfance sur la Côte d’Azur, entre Nice et Saint-Tropez. Après le divorce de ses parents et d’incessants déménagements, il échoue en banlieue sud parisienne. Sa scolarité est chaotique, seuls le français et la littérature le passionnent. En autodidacte convaincu, il quitte l’école et vit de petits boulots, traîne la nuit dans les bars, et soigne ses lendemains de cuite en écrivant de la poésie et des bouts de romans. Il voyage ensuite en Europe, avant de trouver sa voie en entrant à l’université. Après avoir longtemps occupé la place de factotum, il est maintenant bibliothécaire. Quand il n’écrit pas, Philippe Hauret se replonge dans ses auteurs favoris, Fante, Carver, Bukowski, joue de la guitare, regarde des films ou des séries, noirs, de préférence

Extrait: 
« J’adore regarder mes mains. Je les trouve fines, élégantes, racées, sensuelles. Les mecs, eux, ne les remarquent jamais, préférant plutôt s’attacher à mater mes jambes, mes seins ou mes fesses. Pauvres petites queues en pilotage automatique qui ne connaissent rien à rien. Je ne vais pas me plaindre, la nature m’a bien gâtée. Mon corps c’est mon outil de travail, mon gagne-pain, mon passe-partout. Grâce à lui, je suis libre, j’avance, je taille ma route ».  

 

Les P’tits Papiers de So 

Ange de Philippe Hauret

De prime abord, tout pourrait sembler caricatural, y compris les personnages ; mais ces traits volontairement grossis ne font que mettre en exergue ce que nous voyons sans chercher à en savoir davantage.

La particularité de Philippe Hauret est de dresser des personnages lambda forts de caractères, avec une identité propre dont il est difficile de se détacher. On ne peut que tomber en amour pour eux.

Ils nous ressemblent, pourraient être communs, mais leur personnalité, leurs couleurs dans cet univers noir les rends singuliers.

Ange. Jeune femme sublime au corps de déesse, la nature l’a gâtée, mais peut-on en dire autant de la vie ? Elle use de ses charmes, de son corps pour vivre, et va se perdre.

Il y a Ange donc, puis Elton son coloc glandouilleur au cœur de chamallow, Tomasson qui n’est pas sans rappeler une célébrité que l’auteur se fait un malin plaisir de rendre détestable, Melvil vieux flic alcolo. Malo, parfaite illustration du caïd de banlieue.

Le roman porte le nom de son héroïne. Il raconte son histoire. Mais il raconte avant tout celle d’une jeunesse en perdition, en soif de vie, de sensations, de reconnaissance, en quête d’identité et se rêvant star du petit écran.

L’auteur dresse le portrait d’une société qui ne semble exister qu’au travers des médias tapageurs et des émissions de télé. Mais sont-ils le reflet de la société, de la vie, celle de ces femmes et de ces hommes ordinaires ?

Un roman caustique, égratignant au passage quelques célébrités (qu’il est amusant de deviner), avec pour seul but de remettre au centre l’humain.

La place de la femme, la fracture sociale, la morale sont sur le devant de la scène.

On pourrait considérer que ce bouquin est bourré de clichés, facile donc, mais il n’en est rien. Sous une plume acerbe et drôle, l’auteur humanise et rend beaux les invisibles.

Des personnages abimés par la vie, torturés et tortueux mais qui rayonnent.

Ce roman se lit comme on s’enfile une série,  avec une BO (top !) en début de chapitre. Et comme toute bonne série, à la fin de la saison on se dit « vite ! la suite ! »

 

Autre Extrait :
« À mon avis, la robe que je viens d’enfiler serait capable de réveiller toute une colonie d’eunuques. Je la porte uniquement pour les grandes occasions, et c’en est une. Ce soir, j’ai rendez-vous avec Tomasson pour parler de ma carrière.
Le cocktail se déroule dans un bar speakeasy du VIIIe arrondissement, dernier spot à la mode de la nuit parisienne. Un Uber me dépose. L’entrée est planquée au fond d’un traiteur japonais. Je file mon mot de passe au physio et pénètre dans le bar.
Dans un intérieur à la lumière tamisée, ça grouille de gens du showbiz. Un vrai zapping. Je n’arrête pas de me dire : « Tiens, mais c’est la fille qui présente la météo ! Oh, mais là, c’est l’autre bouffon qui nous saoule chaque soir avec son jeu à la con. Et celui-là, il camperait pas le personnage d’un berger psychopathe dans la série diffusée une fois par semaine sur la Trois ? »
À cet instant, Tomasson surgit des toilettes, l’air enfariné. Il m’embarque avec lui. Dès qu’il croise un people, il multiplie les démonstrations d’affection. Ses accolades interminables et surjouées en disent long sur la sincérité du personnage. Il me conduit à son carré VIP tout en me tenant par la hanche, comme si je lui appartenais déjà.
Je suis assise au milieu d’une petite troupe de fidèles. Je trouve leur conversation terriblement pauvre d’esprit. Ça cause audience, concept, part de marché, mais surtout salope de moins de cinquante ans. Comme dans ses émissions, Tomasson dirige les débats. Ses invités sont d’une servilité incomparable et s’étouffent de rire à la moindre de ses blagues. De mon côté, je prête poliment une oreille sans jamais intervenir, ce n’est pas le moment de me faire remarquer, j’ai un job à pourvoir.
Puis la soirée s’emballe.
Les gens vident des bouteilles sans se préoccuper de l’addition. De la coke circule, des jeunes femmes au physique irréprochable se mettent à danser autour des tables sur des remix de Niagara. Vers minuit, nous levons le camp. On bouge chez Tomasson. Il loge à deux pas.
L’appart’ se situe au dernier étage d’un immeuble haussmannien. Modeste triplex qui doit avoisiner les quatre cents mètres carrés. (Je l’ai lu dans Voici.) Dès l’entrée, on en prend plein les mirettes, chaque mur est orné d’un tableau dans le style pop art. Des tas d’objets vintage sont éparpillés aux quatre coins des nombreuses pièces que nous traversons. Cela va du flipper Gotlieb jusqu’au juke-box Rock-Ola en passant par la pompe à essence Texaco. Des joujoux de vieux bourges, en somme. »
 

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