Exquis Cadavre exquis saison 2 : Un pacte sinon rien, la récap. livre 1

Exquis Cadavre exquis saison 2 , la récap. livre 1

Allez pour vous qui avez loupé un chapitre, voici le premier récapitulatif des premiers épisodes de notre nouveau cadavre exquis

Un pacte sinon rien, la récap. livre 1

Chapitre 1

Un pacte sinon rien

 Par Cécile Pellault

La sueur perlait sur son front, coulait depuis la naissance de sa colonne vertébrale jusqu’aux tréfonds de son être, tel le fleuve de sa peur. Sa mâchoire se contractait à chaque ressac de la nausée qui l’envahissait. Elle n’était pas loin de se transformer en marée qui éroderait la moindre parcelle de joie dans son cœur. L’effroi avait envahi son système nerveux, transformant chaque frisson en douleur fulgurante.

Geneviève tenait entre ses mains le dernier manuscrit de Claude France. Depuis qu’elle était son éditrice, c’est-à-dire depuis son tout premier roman, elle avait pu compter sur son poulain. Il lui fournissait toujours en temps et en heure son manuscrit qui partait ensuite à la correction, pour finir sa course en bonne place dans toutes les librairies et tous les espaces de ventes possibles et imaginables pour un thriller, vendus à des millions d’exemplaires en France et dans tous les pays friands de ses déclinaisons internationales. Les critiques étaient souvent mitigées. Les milieux littéraires bon teint le boudaient mais il était invité dans toutes les émissions de divertissement radiophoniques et télévisuelles. Et surtout, les Français et les Françaises l’adoraient, l’achetaient et étaient prêts à faire des heures de queue pour une dédicace de leur écrivain préféré.

Cependant, autant elle avait pu, jusqu’alors, transférer au pool de relectrices-correctrices le fichier annuel sans un regard approfondi, autant ce 20ème opus la plongeait dans la stupeur. Ce qu’elle avait entre les mains était une catastrophe, un délire ! Claude lui avait pitché le meurtre d’une journaliste, Camille, sur fond d’un complot international et d’une revanche familiale. Elle avait opiné, confiante dans les capacités de CF d’en faire un vrai page-turner. Mais elle avait sous les yeux plus de 60 chapitres avec autant de styles différents que de retournements de situations impossibles et inimaginables. Il avait repris la boisson, elle ne voyait que cela comme explication. Une jumelle tueuse et magicienne, la mise en scène d’écrivains connus qui lui assurait une bataille juridique sévère avec les autres maisons d’édition, un personnage principal abandonné en pleine campagne sans que l’on sache vraiment ce qu’il lui était arrivé avant un dénouement en forme de baiser… Et certains chapitres requéraient simplement l’usage de LSD pour la compréhension.

Geneviève se prit la tête entre les mains pour tenter de contenir la migraine qui brandissait l’épée de sa férocité. Qu’avait-elle fait pour mériter cela ? Il devait pourtant y avoir une explication. Claude se sabordait pour pouvoir changer de maison d’édition ? Un pari ? Une blague ? Une maladie neuronale dégénérative ? Même au pire de son alcoolisme, son écriture avait été exploitable. Pas toujours ses déclarations à la presse mais rien à voir avec ce truc qu’elle regardait avec horreur. Seule la mort de son auteur pouvait sauver cette rentrée littéraire. L’idée insidieuse fit son chemin assez facilement dans son esprit. Les chiffres de vente, la couverture médiatique commençaient à faire briller les yeux de l’éditrice qui s’étaient éteints comme des chandeliers sur lesquels un vent froid aurait soufflé à la lecture de ce machin livresque.  Qui pourrait être aussi désespéré qu’elle pour l’aider ? Son regard se posa sur la pile des manuscrits envoyés par la poste des aspirants au Saint Graal du contrat d’édition.

Qui serait assez aux abois pour accepter un pacte à la Faust ? Éliminer l’auteur célèbre contre un contrat pour le devenir. Elle lut les noms sur le tableau Excel établi par ses équipes reprenant ceux sélectionnés comme « Probables Plumes à signer », les PPS. Isabelle B, Lou V, Aurore Z, Cécile P, Elias A, Marylène LB, Michèle F, Maryse, Danièle T, Fleur, Aurélie, Caroline N, Yvan F, Eppy F, Noëlle, Lolo, Nicolas D, Yannick P, Pascal B, Frédérique-Sophie B, Fanny L, Sandrine D, Maud V, Aline G, Nathalie R, Guy R, Carlo C, Leelo D, David S, Danièle O, Céline B, Patrice G, Michel R, Marc S, Clémence, Michael C, Claude L, Lucienne C, Frédéric F, Nathalie J, Patrick F, Sylvie K, Sacha E, Sofia H, Florence L, Michael F, Loli C, Mark Z, Kate W, Jean-Paul D, (…). Autant commencer par la première de la liste, pensa-t-elle.

« Allo, Isabelle B. ? …Oui, Geneviève V. des Editions Albin Sud… Seriez-vous disponible pour un rendez-vous pour discuter de votre avenir ?… Non, pas dans nos locaux, un petit café Le Goethe… Oui, c’est ça !… A bientôt, Isabelle ! »

Geneviève raccrocha, soulagée. Avec Isabelle ou un autre, elle se sortirait de ce pétrin ou de ce cadavre de manuscrit. Un petit pacte et puis s’en ira.

 

  

 2

Écrivez

Yvan Fauth

PROLOGUE

6 mois plus tôt…

« ECRIVEZ ! ECRIVEZ TOUS ! ET TAISEZ-VOUS !

Un livre n’est qu’une somme de mots… Rien qu’une accumulation de signes. Personne n’a jamais écrit un vrai roman. Il n’existe pas, vous n’existez pas ! Vous m’entendez, tous ?

Vous, Claude France, pas plus que les autres, Monsieur le plus gros vendeur français. Vous n’êtes rien.

Mais vous allez le devenir, tous ensemble !

Vous êtes soixante ici, soixante écrivains les plus connus, les plus vendus. Vous croyez être quelqu’un parce que vous avez vendu quelques millions d’ouvrages ? Vous n’êtes rien !

Baissez les yeux… BAISSEZ LES YEUX ! Je vous interdis de me regarder. Ecrivez, écrivez encore et encore.

Je vais tous vous connecter, vous faire entrer dans la matrice, la matrice littéraire que je vais créer grâce à vous. Vous en serez les rouages, de simples pièces de la machinerie qui permettront de concevoir le premier livre, LE livre ultime !

Ecrivez ! Usez de votre piètre talent pour fournir le carburant à la création de l’Œuvre ! Soixante chapitres qui vont, par alchimie, créer enfin la Littérature…

Vous ne ressortirez pas vivants d’ici. Aucun d’entre vous. Aucun ! Vos proches vous croient en retraite pour écrire. Ce n’est pas un mensonge, sauf que vous n’écrivez pas pour vous, pauvres égoïstes, mais pour entrer dans la postérité et l’Histoire.

Tout dépend de votre contribution à la grande Œuvre. Je vous tuerai tous, en spectacle devant les autres. Claude France, vous serez le dernier. Mais votre fin dépend de vous. Si je suis satisfait de la production de l’insignifiant rouage que vous êtes, je vous tuerai sans souffrance inutile. Si vous ne faites pas les efforts nécessaires, je vous torturerai, longuement, très longuement…

Vous voulez boire et manger avant votre trépas ? Alors, ECRIVEZ ! »

 3

Encore un matin

 Sofia Herwédé

5h du mat, le ciel est clair. Une nouvelle journée. Encore et encore.

Voilà des mois, sans exception, que chaque matin, je me lève, j’enfile mes chaussons, je regagne ma cuisine. En attendant que la bouilloire donne le signal de la mise en route, j’observe le ciel.

Il va faire beau aujourd’hui. Mais c’était prévisible. Déjà, du fond de mon plumard, j’entendais ces foutus piafs piailler. Il va faire beau, donc.

Si seulement les journées pouvaient être différentes. Ce ciel clair, ces oiseaux qui chantent me fatiguent.

Tiens. C’est l’heure, l’eau frémit. Dernier instant avant le calvaire.

Il est temps pour moi de me mettre au travail. Je m’installe à mon bureau avec la tasse fumante.

Encore un matin où je me trouve face à cette page blanche.

Écris ! m’a-t-on dit. À la bonne heure. Objectif du jour, un chapitre. Au moins un chapitre si je ne veux pas que la tortionnaire me colle au train.

Je l’entends déjà me dire « Tu es bientôt prêt ? Il faut bientôt sortir ton bouquin, les lecteurs l’attendent ».

Facile à dire. Parce qu’elle s’imagine que je suis une machine à écrire, que l’inspiration me vient d’un claquement de doigt ? Qu’il me suffit de lui dicter ma volonté ?

Écrire, toujours écrire. Mais dans quel but au fond ?

Ah je les vois déjà, ces lecteurs trépignant d’impatience à l’annonce de la sortie, se battre pour avoir la moindre info, entretenir la flamme, qu’elle dit.

Je vais lui en donner, moi, de la flamme.

Un beau brasier de feuilles blanches, un immense feu qui s’envole dans la nuit noire. Ah, que j’aime le noir ! L’obscurité. Celle qui enveloppe, t’engloutit. Celle qui efface toute trace de vie, qui effraie.

Et pourtant l’Autre, si lumineuse est bien plus effrayante. Sa gentillesse débordante, son enthousiasme permanent me donnent la chair de poule.

Ah oui, je la vois bien autour du feu, avec son immense sourire bienveillant, à me déballer tout son baratin sur le monde du livre, à trouver tous les arguments pour me pousser à écrire. Mais que croit-elle, que je suis dupe ?

Un beau grand feu qui lui lècherait les mollets, une chaleur étouffante à lui fermer son clapet.

Bref encore un matin où il faut que je m’y mette. De toute façon, je n’ai pas le choix. C’est tout ce qu’il y a à faire. Écrire.

 

 

4

Le candidat

Sandrine Destombes

 Geneviève V. touillait son café depuis plus de cinq minutes l’esprit toujours préoccupé par sa dernière conversation téléphonique.

Jacques M., éditeur à Cadrage Noir, le fer de lance de la maison Pas de Porte, venait de lui avouer son désarroi face aux derniers manuscrits qu’il avait reçus. Ses trois auteurs phares, qu’il pensait publier au premier trimestre, lui avaient remis des textes qu’il avait du mal à qualifier comme tels.

L’un d’eux lui avait proposé une romance vécue par deux extra-terrestres anthropophages, là où ses lecteurs attendaient, en tout logique, un roman noir social et rural, comme il savait si bien les faire. Un autre s’était lancé dans une autobiographie uchronique tandis que la dernière lui avait envoyé un recueil de pensées qu’elle devait estimer philosophiques, agrémentées de quelques croquis gribouillés en marge.

Claude France n’était donc pas le seul auteur à vouloir sortir de sa zone de confort… S’étaient-ils tous donné le mot pour faire de la vie des éditeurs un enfer ?

 Geneviève avait écouté Jacques avec attention mais n’avait rien dit de ses propres déboires. Contrairement à Cadrage Noir, le chiffre d’affaires de sa maison reposait en grande partie sur les écrits de Claude France. Si quelqu’un venait à apprendre que ce dernier avait perdu la flamme, l’information se disperserait comme une traînée de poudre, les spéculations iraient bon train et les différents contrats si péniblement signés avec les diffuseurs, distributeurs et imprimeurs, seraient automatiquement renégociés, avant même qu’une date de sortie ne soit arrêtée.

Geneviève était donc toujours décidée à éliminer le problème à la racine. Claude France devait mourir. Si les trois premiers écrivains en herbe qu’elle avait rencontrés ne lui avaient pas inspiré confiance, elle ne perdait pourtant pas espoir. Elle savait que, tôt ou tard, face à la bonne personne et avec les bons arguments, elle finirait par trouver celui ou celle qui lui retirerait cette épine du pied.

« Vous êtes Geneviève ? »

Le candidat potentiel se trouvait justement face à elle. Perdue dans ses pensées, Geneviève ne l’avait pas vu pousser la porte du bistrot de quartier. Elle lui avait donné rendez-vous dans ce lieu qu’elle ne connaissait pas, situé dans un quartier qu’elle ne fréquentait pas, et où elle était persuadée de ne croiser aucune personne de son métier.

L’homme semblait nerveux, mais Geneviève n’avait pas l’intention de s’attarder sur cette première impression. Tous les auteurs autoédités qu’elle rencontrait l’étaient. Geneviève incarnait leurs espoirs les plus fous. À leurs yeux, elle détenait le Graal. C’était à elle maintenant de sonder cet homme et d’évaluer quels sacrifices il serait prêt à faire pour une publication.

5

Faust

 Elsa Marpeau

De prime abord, il ne ressemblait à rien. Il était ce qu’on appelle « entre deux âges », comme si, à ce point précis de son existence, il n’existait réellement nulle part. Il souffrait d’une calvitie prononcée mais il avait conservé une couronne de cheveux poivre et sel. Ce furent ses yeux bleus, vides, un peu glaçants, qui décidèrent Geneviève.

Jusque-là, elle avait tâté le terrain auprès des aspirants auteurs mais elle n’avait pas dévoilé son jeu. Mais lui… Plus elle le regardait, plus elle ressentait un malaise. Pouvait-on deviner l’assassin à son apparence physique ? C’était le pari de nombreux médecins au 19e siècle. Le criminologue italien Cesare Lombroso déterminait les « criminels nés » d’après leur crâne, l’écartement de leurs yeux, la forme de leurs oreilles et de leurs dents.

Chez l’aspirant auteur qui lui faisait face, il y avait plus que cela. Presque un pressentiment. Elle flairait l’odeur du sang, celui des crimes impunis, des rêves de vengeance.

Il s’appelait Elias Armand, il tenait la pompe à essence à la sortie d’un patelin dont elle avait oublié le nom. Elle l’avait rencontré pendant un festival de polars, où elle accompagnait Claude France. Elias Armand s’était planté devant son écrivain vedette et lui avait demandé une dédicace. Mais pas sur un livre, sur la couverture photocopiée d’un de ses romans. Claude France et elle en avaient ri, lorsqu’Elias était parti. Ils s’étaient moqués de sa radinerie. Quel culot, de faire perdre le temps de Claude France sans même lui acheter un ouvrage !

Elias avait mis longtemps à s’en aller. Il s’était planté devant Claude et lui avait parlé du manuscrit qu’il avait écrit. Il lui avait raconté l’histoire. Malgré elle – réflexe professionnel – Geneviève avait tendu l’oreille. C’est que l’histoire, contrairement à ses attentes, n’était pas si mauvaise. Elle était même étrangement convaincante. Pourtant, Geneviève en avait vu et entendu, des hommes et des femmes qui racontaient des histoires insipides – la leur, le plus souvent. Mais Elias ne tombait dans aucun des pièges habituels aux débutants. Déjà, il ne parlait pas de lui, ni de sa vie. Il avait inventé un monde, un vrai. Une dystopie, où une femme tueuse se vengeait de celles et ceux qui l’avaient humiliée. Cette histoire, Claude France – le bon Claude France, celui qui savait encore écrire – aurait pu la rédiger.

« J’ai une proposition à vous faire », dit-elle.

Avant de se lancer, elle se demanda brièvement si elle n’était pas en train de lancer une machine infernale, qui se retournerait violemment contre elle. Elias ne disait rien. Il attendait. Il la regardait. Il ne semblait absolument pas pressé.

 

 6

Un début de vengeance

 Véro Porchel

 

Geneviève invita Elias Armand à la suivre jusqu’à son bureau. Même si elle sentait au fond d’elle une peur profonde face à cet homme. Vraiment quelque chose de malsain émanait de lui. Mais justement, de par ce côté « morbide », elle était persuadée que ses écrits, voire ses actes, pouvaient sauver sa maison d’édition.

À elle maintenant de trouver les bons mots pour le convaincre d’aller jusqu’au bout.

« Monsieur Armand, je vais aller droit au but avec vous. Je veux vous publier. Contrairement aux autres maisons d’édition, n’est-ce pas ?

Il la regarda d’un air si terrifiant qu’elle en eut des frissons, mais n’en laissa rien paraître.

 – Qu’attendez-vous de moi ? lui répondit-il un peu sur la défensive.

Inflexible, Geneviève lui dit droit dans les yeux :

 – Vous n’avez pas répondu à ma question.

 – Effectivement, personne ne veut me publier. Mes écrits sont soi-disant trop trash.

 – Moi je vous demande encore plus de trash, comme vous dites. Je veux que vous éliminiez tous les éditeurs et toutes les éditrices de la place de Paris. Et bien sûr, ensuite, que vous en fassiez un livre.

 Elias Armand avait un peu perdu de sa superbe après la proposition de cette Geneviève. Cette femme était-elle folle ? Mais ses yeux habituellement dénués d’expression se mirent soudainement à pétiller.

 – Mais si vous me publiez, tout le monde saura que c’est moi qui ai fait ça, lui dit-il d’un ton acerbe.

 – Cela n’est absolument pas mon problème lui répondit du tac au tac Geneviève. Faites ce que je vous demande et vous serez publié. Je vous le promets. »

Geneviève savait pertinemment ce qu’elle faisait.

 Elle ne le publierait jamais.

 Elle avait enfin sa vengeance. Il se trouvait en face d’elle. Elle avait reconnu cet homme. Cet homme qui lui avait fait tellement de mal il y a quelques années.

Il allait enfin payer.

Lorsqu’il quitta la pièce, Geneviève s’assit à son bureau. Elle était épuisée moralement. Ce face à face l’avait propulsée à une époque lointaine qu’elle croyait avoir oubliée. Mais elle lui était revenue en pleine face, s’insinuant dans son cerveau. Comme un poison. Sans aucun antidote pour la sauver. Elle avait tout oublié. Jusqu’à Claude France. Peu lui importait. Sa soif de revanche était trop grande.

7

À la recherche du plan parfait

 Lhattie Haniel

 

Geneviève V. posa sa tête entre ses mains. Malgré une excitation étrange dans le cœur, elle se demandait encore comment elle avait pu enfermer dans son esprit ce souvenir qui brûlait de nouveau chaque millimètre de sa peau.

Comme s’il n’avait jamais existé…

Comment avait-elle pu oublier celui dont le parfum bon marché l’avait trahi quelques minutes plus tôt avant même d’en reconnaître le regard vitreux, qui s’était mis à pétiller étrangement sitôt sa proposition faite ?

Comment avait-elle fait pour ne pas le reconnaître d’entrée de jeu ?

Elle n’avait aucune réponse à ses questions, mais ce qu’elle savait déjà, c’est que sa vengeance serait impitoyable…

Tout en s’exclamant qu’il lui fallait un plan, elle frappa de ses mains le dessus de son bureau. Aussitôt, son esprit se mit en branle. Ses réflexions allèrent bon train, l’emportant dans de multiples directions. Cependant, il lui fallait se recentrer sur l’essentiel : rechercher le plan parfait !

Mais où trouver un tel plan ?

Internet ?

Non, trop dangereux !

Elle ne pouvait pas prendre le risque d’inscrire dans sa barre de recherches certains mots que les officiers de la Police judiciaire retrouveraient facilement, le jour où Elias Armand irait nourrir les vers de terre.

Non, il lui fallait des sources plus déconnectées…

« Mais bien sûr ! » s’exclama-t-elle de nouveau en se saisissant de sa souris.

Elle avait, dans les fichiers de son ordinateur, de nombreux manuscrits non publiés. Six mois plus tôt, elle avait mis à contribution ses Probables Plumes à signer, ses PPS comme elle aimait tant les nommer. Mais aucune histoire recevable n’était encore sortie de leurs méninges. La plupart de leurs textes étaient mauvais, certes ! mais certaines scènes méritaient que l’on s’y arrêtât.

Lou V., Cécile P. ou Sylvie K. avaient toujours su écrire de brillantes scènes. Toutefois, Sacha E. avait véritablement le sens du détail… En cherchant méticuleusement, elle trouverait bien une ou deux scènes à mélanger qui pourraient la guider dans sa soif de vengeance. Oui, elle était certaine de trouver de quoi liquider ce misérable personnage, dont le regard continuait de mortifier son esprit.

À l’époque, Geneviève V s’était tue, ne racontant à personne ce qu’Elias Armand lui avait fait. Et si pour le moment, elle comptait conserver pour elle seule cette histoire, ses doigts quant à eux la démangeaient terriblement. Elle secoua la tête comme pour chasser ce souvenir et laisser place à son désir de vengeance, plus affamé que jamais. Les lignes des médiocres manuscrits défilaient sous son regard assombri tandis que les heures s’écoulaient inlassablement sur son écran. Avec quelques scènes en tête, Geneviève V. n’avait plus qu’à nourrir les premières prémices de ses noirs desseins sur le papier. Un sourire mauvais aux lèvres, elle songea de nouveau à Claude France. Si au passage il pouvait être liquidé, elle serait comblée et sa maison d’édition sauvée.

Sa plume gratta et gratta encore le vélin, jusque tard dans la nuit, quand tout à coup, elle s’imagina gratter de celle-ci le corps d’Elias Armand.

Assez pour le blesser, assez pour lui faire payer son forfait !

4

Souvenir amer

Jessica Blet

Le soir même, Geneviève n’arrive pas à empêcher son cerveau de mouliner au moment de s’endormir. Ses méninges tournent à mille à l’heure, entre le scénario fou qu’elle essaie d’entreprendre et les souvenirs qui l’assaillent. Souvenirs qu’elle pensait pourtant avoir oubliés et qui lui sont revenus de plein fouet cet après-midi.

Elle se demande encore comment Elias Armand a pu garder sa façade devant elle et ne pas lui rappeler ce qu’il avait fait.

Elle souhaiterait pourtant enfouir ces images horribles au fin fond de son cerveau, être capable d’appuyer sur un bouton et passer en mode reset. Ne plus voir, ne plus sentir, ne plus entendre et surtout ne plus ressentir ce dégoût constant. Malheureusement la mémoire nous joue des tours et nous remémore toujours ce que l’on souhaite oublier à des moments inopportuns.

Ce que Geneviève cherche à oublier et qui maintenant nourrit sa vengeance est arrivé il y a 5 ans. C’était pendant le Salon du livre Paris. En rentrant le dernier soir chez elle, elle sentit une présence derrière elle. Peu de temps après, elle fut interpellée par un homme. Lui, cet Elias Armand. C’était peu de temps après leur première rencontre au festival du Polar.

« Bonsoir Mme V., vous me remettez ? Nous nous sommes rencontrés au festival du Polar à la séance de dédicace de Claude France.

– Bonsoir, oui peut-être, vous savez je rencontre beaucoup de monde lors des salons.

– Je vous ai envoyé un manuscrit, vous aviez l’air intéressé à l’époque et je souhaiterais en discuter avec vous.

– Prenez RDV lundi à mon bureau, ce n’est ni le lieu ni le moment de parler de ça. »

Sans un mot Elias Armand se jeta sur Geneviève. Elle eut à peine le temps d’ouvrir la bouche pour appeler à l’aide qu’un coup de poing la mettait KO. Elle se réveilla plusieurs heures plus tard, complètement hagarde, nue dans son lit… Comment était-elle arrivée là alors qu’elle se trouvait dans la rue en face de chez elle ?

La seule chose dont elle se rappelle est l’image de cet homme ignoble, son odeur sirupeuse qui lui colle au corps. Si son cerveau a oublié la nuit passée, son corps, lui , s’en souvient. Il lui faut appeler la police, dénoncer cet homme. Elle sait qui est son tortionnaire, il faut qu’il paie pour ce qu’il lui a fait subir.

Au moment de prendre son téléphone sur sa table de chevet, elle voit un bout de papier qu’elle s’empresse de lire. Son sang se glace dans ses veines, ce n’est pas possible, elle ne peut pas croire ce qu’elle est en train de lire, c’est tout simplement inimaginable.

« Tu n’appelleras pas la police car si tu le fais je dirai ce que tu as fait le 9 janvier  2010. »

Geneviève éclate en sanglots.

Je ne sais pas vous mais moi je suis bien accrochée là ?

Alors à  très vite pour la suite de la saison 2 de notre cadavre exquis

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