Le tueur hypocondriaque de Juan Jacinto Munoz Rengel

Le livre : Le tueur hypocondriaque de Juan Jacinto Munoz Rengel. Traduit de l’espagnol par Catalina Salazar. Paru le 7 mars 2013 aux éditions les Escales. 21€50. (229 p.) ; 23 x 15 cm. Réédité en poche le 6 mars 2014 chez Pocket. 6€95; (217 p.) ; 18 x 11 cm

4e de couv : 

Monsieur Y., tueur à gages de son métier, se réveille chaque matin :

1) persuadé qu’il s’agit du dernier jour de sa vie,

2) d’autant plus déterminé à tuer Eduardo Blaisten, qu’il poursuit depuis un an et deux mois exactement.

Mais, en plus d’être atteint de maladies toutes plus rares et/ou imaginaires les unes que les autres, du strabisme à la crampe du tueur professionnel en passant par la narcolepsie et le syndrome d’Ondine, M. Y. souffre d’une malchance chronique.

Au fil des échecs forcément cuisants de ses tentatives d’homicide, M. Y. établit des liens évidents entre ses symptômes et les maux qui torturèrent Proust, Voltaire, Tolstoï, Molière, entre autres illustres hypocondriaques de l’histoire. Et lui, arrivera-t-il à accomplir sa dernière grande oeuvre ?

Désopilant, touchant, à la fois instructif et dépaysant, un régal de drôlerie, aussi universel que libérateur.

«Un roman délicieux. Une merveille.»

L’auteur : Né à Málaga en 1974, Juan Jacinto Muñoz Rengel est titulaire d’un doctorat en philosophie. Il a enseigné en Espagne et au Royaume-Uni, avant de se lancer dans la littérature. Best-seller dans son pays, Le Tueur hypocondriaque est son premier roman.

 

Extrait : 
Je suis, par-dessus tout, un homme victime de malchance. Depuis que j’ai l’usage de la raison, depuis ma naissance, enfant faible et fragile, l’infortune me poursuit, sans cesse, partout dans le monde.
Si je choisis entre deux directions, c’est l’autre la bonne. Si je sors avec mon parapluie, je le promènerai toute la journée sans m’en servir. Mais il suffit que je le perde pour que la sécheresse la plus tenace cesse aussitôt. Si je tends l’autre joue, on me frappera sur la nuque. Si je lève la main pour une réclamation, je me ferai probablement une luxation à la clavicule.
Tiens, sans chercher plus loin, cet après-midi même, après le déjeuner, je vais à la mercerie acheter une aiguille à tricoter en aluminium de quarante centimètres de long pour tuer Blaisten. Au moment précis où j’entre dans le magasin, une cliente commence à raconter à la vendeuse les détails de son calvaire dû à la prostatite chronique de son époux : ses cris au milieu de la nuit à cause de la sensation de brûlure en urinant, la diminution de leurs relations sexuelles en raison de la douleur de l’éjaculation, les massages prostatiques avec l’index et un gant de latex, appris à force d’erreurs. La vendeuse remarque mon visage livide, mes mains tâtonnant dans le vide à la recherche d’un appui, comprend que le récit de la cliente s’éternise, et me demande :
— Vous désirez quelque chose ?
Mais comme la fatalité me retrouve jusque dans les endroits que je n’ai pas l’habitude de fréquenter, à cet instant, je n’entends pas la question car je me suis bouché les oreilles avec les paumes des mains pour m’isoler, recroquevillé sur moi-même. Je demeure ainsi un bon moment puis je me relève, tout mon sang afflue vers mon cerveau, et sans réfléchir, j’interromps la conversation :
— Donnez-moi une aiguille à tricoter cylindrique, en aluminium, de quarante centimètres de long.
— On ne les vend que par deux.
— Figurez-vous qu’on a enfilé une énorme aiguille dans la jambe droite de mon mari, dans le fémur…
J’ai aussitôt déguerpi sans demander mon reste. Mais les choses n’en sont pas restées là. Dans ma fuite, j’ai été saisi d’une violente douleur à la jambe, comme une piqûre, une douleur épouvantable qui ne m’a toujours pas abandonné. Je sais que cette sensation pénétrante et cristalline à hauteur du fémur ne disparaîtra plus.

Le post-it de Ge

Le tueur hypocondriaque

Monsieur Y., tueur à gages, est persuadé qu’il est atteint de maladies très rares et que sa mort est imminente, ce qui rend d’autant plus urgent le meurtre d’Eduardo Blaisten qu’il poursuit depuis plus d’un an… Bienvenue dans la tête d’un tueur à gages hypocondriaque ! Hypocondriaque et un poil paranoïaque aussi.

D’ailleurs le seul tueur ici ce n’est pas Monsieur Y c’est son état mental. C’est celui-ci qui va l’emmener à la tombe.

Ne vous attendez surtout pas à un polar classique en ouvrant ce bouquin, on surtout pas, vous ne pourrez d’être déçu. Non ici nous sommes plutôt dans un polar philosophique, un petit bijou de polar philosophique.

La vie, la mort, la maladie, le temps qui passe, la relation aux autres, à soi, tout cela y passe ici et en moins de 230 pages. J’avoue que tout cela est assez, même très désopilant. Suivre ainsi tout un tas de symptômes et de maladies n’est pas banale, surtout dans une fiction, encore si nous étions dans un essai médical, mais non, nous sommes bien là dans un roman totalement décalé.

 En effet on suit Monsieur Y, ses petits habitudes, ces constantes physiologiques, nous allons suivre sa cible d’Eduardo Blaisten lui aussi pétrit de petites habitudes et une vie réglée comme du papier à musique. Et puis on va lire quelques chroniques historico-médicales de grand hommes, artistes, écrivains, philosophes… qui comme notre héros malheureux souffraient de maux chroniques. Ainsi va-t-on en apprendre des vertes et des pas mures sur Proust ou Kant, sur Byron, Coleridge, Molière, Swift, Descartes, Voltaire, Poe ou encore Tolstoï…et j’en oublie. Personnellement ces petites anecdotes m’ont beaucoup amusées.

C’est drôle, érudit, truculent , spirituel.

Et tout cela donne une lecture plaisante et totalement inattendue.

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