1793 de Niklas Natt och Dag

Le livre : 1793 de Niklas Natt och Dag. Traduit du suédois par Rémi Cassaigne. Paru le 4 avril 2019 chez Sonatine Editions. 22€. (441 p.) ; 22 x 14 cm

4e de couv

Le best-seller qui révolutionne le thriller historique.

  1. Le vent de la Révolution française souffle sur les monarchies du Nord. Un an après la mort du roi Gustav III de Suède, la tension est palpable dans tout le pays. Rumeurs de conspirations, paranoïa, espionnage, le pouvoir est en effervescence. C’est dans cette atmosphère irrespirable que Jean Michael Cardell, un vétéran de la guerre russo-suédoise, découvre dans un lac de Stockholm le corps mutilé d’un inconnu. L’enquête est confiée à Cecil Winge, un homme de loi tuberculeux. Celui-ci va bientôt devoir affronter le mal et la corruption qui règnent à tous les échelons de la société suédoise, avant de mettre au jour une sombre et terrible vérité.
L’auteur : Niklas Natt och Dag est né le 3 octobre 1979. Ex-rédacteur en chef du magazine suédois Slitz, Niklas Natt och Dag peut également se targuer d’être l’un des descendants de la plus ancienne famille noble suédoise. L’histoire familiale de l’auteur est intimement liée à l’Histoire de Suède, une raison qui l’a certainement mené à l’écriture de son premier roman sobrement intitulé 1793. Quand il n’est pas en train de lire ou d’écrire, l’auteur s’adonne à une autre de ses passions, la musique. Il joue de la guitare, de la mandoline, du violon ou encore du shakuhachi, une flûte en bambou japonaise. Niklas Natt och Dag vit à Stockholm avec son épouse et leurs deux fils.
Extrait : 
« Cardell l’observe rapidement et constate qu’il est plus jeune que sa voix rauque ne le laissait penser. Sa mise est élégante, même si ses habits sont de coupe vieillotte. Un habit noir à taille étroite, bords empesés et col haut. Là où apparaît le gilet, un discret motif est brodé. Culotte de velours noir avec boucle sous le genou. Cravate blanche nouée haut dans le cou, à double tour. Cheveux longs et noirs, attachés sur la nuque par un ruban rouge. La peau est si blanche qu’elle semble luire d’elle-même.
Winge, les membres fins, est mince, d’une minceur qui n’est pas naturelle. Il ne pourrait pas être plus différent de Cardell, qui est, lui, un de ces hommes qu’on voit partout dans les rues de Stockholm, à la jeunesse volée par des années de misère et de guerre, usés avant l’heure. Cardell doit être au moins deux fois plus large d’épaules, avec un dos grossier de soldat qui tend l’étoffe de sa redingote en plis inélégants, des jambes comme des troncs, le poing droit gros comme une maison. Ses oreilles décollées ont essuyé tant de claques que leurs bords se retroussent en fronces calleuses.
Cardell tousse, gêné par le regard de Winge, qui donne l’impression de le toiser de la tête aux pieds, sans jamais quitter des yeux son visage couvert de cicatrices. Il tourne instinctivement son corps vers la gauche pour cacher son infirmité. »

Le post-it de Ge

1793, je m’attendais à un roman sur la terreur sous la révolution française. Le comité de salut public, la décapitation de Louis XVI, la création du Tribunal révolutionnaire. Les Comités de surveillance révolutionnaire, les guerres de Vendée, la répression sans merci des insurgés   , l’arrestation de girondin,  les insurrections fédéralistes. La France qui déclare la guerre au reste du vieux continent . Marie-Antoinette, condamnée à mort, est guillotinée dans la foulée, Olympe de Gouges est guillotinée quelques jour plus tard. Bref des combats, des guerres sans relâche, du sang, la guillotine qui fait rouler les têtes sans discontinuer.

1793 : Du feu, du sang et des larmes.

Et bien oui j’ai bien eu ce feu, ces larmes et tout ce sang, mais je n’était pas en France mais en Suède. dans les royaumes du Nord, un an après la mort du roi despote Gustav III qui s’est mis à dos un puissant conglomérat de parlementaires et d’aristocrates en imposant une politique économique et culturelle inspiré par les Lumières . Son successeur, Gustav IV va être aux prises avec les différentes factions qui tente de reprendre le pouvoir en Suède. Une Suède apeurée devenue antirévolutionnaire Et c’est dans ce climat et ce contexte de tension politique et social que je découvre 1793.

Une fois les bases historiques posées, je rentre dans le vif du sujet.

Et ce roman écrit comme un opéra en 4 actes nous offre une fresque fiévreuse des heures sombres de la Suède où parvenus, corrompus et ordures pullulent à la cour du roi Gustave.

Je vais alors vivre les 4 saisons du crime.

Et quels crimes, des crimes atroces, ça commence par un tronc humain repérait par des gamins dans une étendue d’eau puante et grouillante de Stockholm. ça put ça suinte dans cet première saison. Ce premier cercle de l’enfer qui va nous faire découvrir les quartiers crasseux et populaire de la capitale suédoise. On va lire en apnée, tellement les odeurs nauséabonde nous prennent aux tripe en m^me temps que la misère et l’exploitation de celle-ci par les plus riche.

Chaque saison aura son lot de personnages principaux et secondaires, son fardeau de pauvreté nous dévoilant une société suédoise gangrené par la corruption, la prostitution, l’exploitation de cette prostitution, les bordels, les tavernes, les usuriers… Une société pourrie jusqu’à la moelle.

Mais aussi le bruit et la fureur des guerres, l’odeur du sang, des chairs meurtries.  Le tout porté par une écriture sensuelle et visuelles. Une écriture sans concession, qui nous fait sentir, toucher et humer les odeurs et les humeurs des hommes, des vivants et des morts. C’est poisseux, c’est collant, c’est nauséabond. Une plume sensorielle.

Certain l’on comparait au parfum de Süskind on comprend essaiment pourquoi. En sens l’odeur des incendies, des corps déchiquetés par les canons, amoindri par le typhus . Il y a visiblement trop de choses  pourries au royaume de Suède.

Et puis il y a ce duo d’enquêteur. Deux homme que tout oppose. Certainement un duo d’enquêteur improbable. Un homme bourru, instinctif, alcoolique un ancien soldat que la guerre a rendu cynique voire cruel. Et un juriste, chevalier blanc épris de vérité, raffiné, élevé à l’esprit des Lumières, réfléchi et cartésien  Deux accidentés de la vie mais qui ne lâche rien. Entre Jan Michael Cardell, l’éclopé et Cecil Winge le tuberculeux, une chose va s’imposer, unir leur handicap pour devenir plus fort. Faire de leurs faiblesses, un atout, une force contre les noirceurs qui gangrènent la société. Contre ce monstre qui sème la terreur là où il passe.

1793 c’est tout cela et c’est aussi encore beaucoup d’autres choses…

J’ai adoré ce polar historique
J’ai aimé son souffle épique.
Cela n’a pas été sans me rappeler « La religion » de Tim Willock.
Et comme Tim Willock dont il va falloir que je vous parle bientôt, Niklas Natt och Dag est un auteur à suivre et à découvrir ou dans l’autre sens, à découvrir et à suivre ça marche aussi ! 😉

 

Extrait 2 : 
« Il se débarrasse de sa redingote avec la gaucherie du manchot. La perruque de laine oubliée dans la doublure tombe dans la boue. Bah, peu importe. Cette cochonnerie lui a coûté trois sous, la mode est en train d’en passer, et il ne la porte que parce que bien se présenter augmente les chances d’un vétéran de guerre de se faire offrir un ou deux coups à boire. Cardell lève les yeux. Tout là-haut, les étoiles brillent au-dessus de la baie d’Årstafjärden. Il ferme les yeux pour garder en lui ce sentiment de beauté, puis entre de la botte droite dans Fatburen.
La vase détrempée ne porte plus le poids de Cardell. Il s’enfonce jusqu’au genou et sent l’eau s’engouffrer dans sa botte, qui reste coincée dans la boue quand sa chute en avant en extirpe sa jambe. Mi-nageant, mi-rampant, il s’éloigne du bord.
L’eau est épaisse, lourde sous ses doigts, chargée de tout ce que même les taudis de Södermalm ne jugent pas bon de garder.
L’ivresse a altéré soin jugement. La panique le saisit au creux du ventre quand il ne sent plus le fond sous ses pieds. L’eau est plus profonde qu’il ne l’avait cru, et le voilà replongé devant Svensksund, trois ans auparavant, dans l’effroi de la tempête, au large du front suédois.
Il embrasse le corps, dont ses battements de pieds l’ont rapproché. Sa première pensée est qu’il avait raison : ceci n’est pas une créature humaine. C’est le cadavre d’un animal, coulé là par les grouillots de l’abattoir, et transformé en bouée par les gaz de putréfaction qui ont rempli ses intestins. Puis le paquet se retourne et il se retrouve face à lui.
Ça n’est pas du tout décomposé, mais les orbites qui le regardent sont vides. Derrière les lèvres déchirées, plus de dents. Les cheveux ont gardé leur lustre – la nuit et l’eau gluante de Fatburen ont fait de leur mieux pour éteindre son éclat, mais c’est sans aucun doute une claire chevelure blonde. À force de haleter, Cardell boit la tasse.
La quinte de toux passée, il reste immobile à flotter près du cadavre. Il observe ses traits déformés. On entend plus les enfants sur le rivage. Ils attendent son retour en silence. Il fait demi-tour et se met à battre l’eau de son pied nu, pour regagner le rivage. »

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