Avis d’Expert : Mémoire sur l’affaire Joseph Vacher. Episode 6
Avis d’Expert : Mémoire sur l’affaire Joseph Vacher. Episode 6
Souvenez-vous il y a deux semaines Sylvie nous présentait son mémoire en Criminologie appliquée à l’expertise mentale.
Et puis on plongeait dans la folie.
Il y a 3 semaines nous abordions l’histoire de la psychiatrie
Il y a 2 semaines nous faisons connaissance avec Joseph Vacher
Enfin la semaine dernière nous nous attachions à découvrir la personnalité de Vacher
Aujourd’hui, les médecins se prononcent sur le cas Vacher
Allez c’est parti pour l’épisode 5
Avis d’Expert
Mémoire sur l’affaire Joseph Vacher.
Par Sylvie Buttard
Episode 6 : L’AFFAIRE JOSEPH VACHER DU POINT DE VUE DE LA PSYCHATRIE
L’AFFAIRE JOSEPH VACHER
JUSTICE ET PSYCHIATRIE DE LA FIN DU 19e
SIECLE
SERAIT-IL JUGE RESPONSABLE DE SES
ACTES AUJOURD’HUI ?
II/ L’AFFAIRE JOSEPH VACHER DU POINT DE VUE DE LA PSYCHATRIE
D/ 1ère expertise psychiatrique sur l’état mental de Joseph Vacher : 12 septembre 1893
Le Docteur Guillemin, médecin-adjoint de l’asile de Dôle, est requis par le Juge d’instruction de l’époque pour pratiquer une expertise sur la personne de Joseph Vacher. Le 12 septembre, il rend un rapport médico-légal en déclarant Joseph Vacher « atteint d’aliénation mentale caractérisée par le délire persécution, et par conséquent, « irresponsable de ses actes ».
Dans le rapport médico-légal, le docteur GUILLEMIN déclare que Vacher lui écrivait des lettres dans lesquelles il exposait ses malheurs, ses « soi-disant malheurs », dit Guillemin. Il se dit suicidaire, tente de se jeter par la fenêtre. Il a la manie de la persécution, et déclare que des gens cherchent à lui nuire. Il parle seul, en agitant les bras de façon menaçante. Il laisse aussi libre cours à sa force physique en soulevant les meubles à bout de bras. Durant l’expertise, le docteur GUILLEMIN constate effectivement une « grande surexcitation », une « manie de la persécution », puis un « affaissement moral ». Il ne cesse d’exprimer ses « malheurs » et ses idées suicidaires, marquant ce dernier point par une tentative de défenestration depuis le deuxième étage.
Ces déclarations sont corroborées par le commandant de compagnie de Vacher lorsque celui-ci travaillait sous ses ordres. Il faisait les mêmes constatations de délires de persécution, signalant des « mouchards » autour de lui. Le commandant de compagnie ajoute même que ses camarades de cantonnement dormaient avec leurs baïonnettes, craignant que Vacher ne s’en prenne à eux durant leur sommeil. Et son « besoin de voir couler le sang » ne les rassurait pas non plus. Malgré tout cela, ses supérieurs reconnaissent que Vacher, en tant que soldat, est un élément honnête, à la « moralité parfaite », et d’une grande « honorabilité ».
Son enfance est marquée elle aussi par les mêmes traits de caractère : un caractère violent et soupçonneux. Sa cruauté envers les animaux n’est pas anodine non plus. A quinze ans, il sera novice dans la congrégation des frères de Saint-Génis-Laval, près de Lyon.
Il y reste trois ans, désireux d’y faire ses études, mais fautes d’argent suffisant, il devra quitter, et en gardera une profonde rancune à l’encontre des ses parents.
Examen direct du Docteur GUILLEMIN lors de l’arrivée de Joseph Vacher à l’asile : 1893
Physiquement, il présente une « asymétrie faciale produite par la paralysie de la septième paire du côté droit », un « abaissement de la commissure labiale, la joue flasque », et une plaie suppurante au niveau de l’oreille droite, conséquence de sa tentative de suicide en juin 1893. La mastication est difficile, et la parole traînante. Le premier jour, il est abattu, et se plaint beaucoup de sa plaie que les médecins doivent panser régulièrement. Puis reviennent les complaintes expliquant que les personnels de l’asile veulent le voir mourir et qu’ils s’occupent plus des autres malades que de lui. Tous les matins, Vacher demande qu’on l’opère et lorsque les médecins lui annoncent qu’ils vont accéder à sa requête, le jour de l’opération, il se débat et refuse finalement l’intervention car il pense « qu’ils veulent le tuer et non le guérir ». Il menace de mettre fin à ses jours, il s’ennuie. Il tient des propos contradictoires. Le 20 juillet 1893, il dit qu’il n’est pas fou et qu’il ne doit pas rester à l’asile, sans quoi il mettra fin à ses jours ! Il revient sur la période du régiment, en disant que ses frères d’arme sont devenus ses ennemis et qu’ils sont la cause de tous ses « malheurs ». Le docteur GUILLEMIN ajoute : « A certains moments, il lève la tête, fixe les yeux, comme s’il entendait des voix invisibles ».
Les conclusions du rapport médico-légal du Docteur GUILLEMIN :
Joseph Vacher est « un délirant par persécution en première période ». « A l’asile, cet état maladif suit une marche progressive ». « Quoique l’inculpé nie les actes désordonnés auxquels il s’est livré le 25 juin dernier, nous estimons qu’alors Vacher agissait sous l’influence d’hallucination de l’ouïe ».
« De ce qui précède nous pouvons conclure :
– que le sieur Vacher (Joseph) est atteint d’aliénation mentale caractérisée par le délire de persécutions. – Il est irresponsable de ses actes. »
Au vu de ce rapport, le Juge d’Instruction rend une ordonnance de non-lieu le 16 septembre 1893 et l’Action Publique s’éteint.