La GAV : @Ingrid Desjours sous le feu des flingueuses
Episode 2
Vendredi
Suite de la Garde à vue de Madame
Ingrid Desjours
2e interrogatoire par Miss Aline
La GAV, Garde à vue d’un auteur par Collectif polar c’est : 4 interviews d’un même auteur par 4 flingueuses différentes.
La GAV c’est des interviews en direct, du vrai live, en conditions réelles.
Durant 2 jours nous kidnappons en quelques sorte un auteur de polar.
Nous lui demandons de nous consacrer au minimum 4h de son temps sur les deux jours que dure la Garde à Vue.
Et durant ce temps nous lui posons une série de questions en batterie auxquelles il ou elle doit répondre instantanément. Nous ne lui laissons pas le temps de réfléchir à ses réponses. C’est un échange en live. Comme sur un plateau, sur un salon. C’est pas préparé, ce que l’on recherche c’est la spontanéité. Et croyez moi au réveil ou en fin de journée, nos auteurs sont comme nous, soit pas bien réveillés soit crevés de leur journée. Et là nous les cueillons !
Nous recueillons leurs confidences.
Et c’est celles-ci que nous vous proposons en direct live. ( enfin presque juste en léger différé).
Sauf cette fois, la GAV d’Ingrid ayant eu lieu le vendredi 30 novembre et le samedi 01 décembre
Nous allons vous proposer la retranscription de ces 4 interrogatoires sur 2 jours, 1 en matinée et un le soir entre ce matin et demain après-midi
Allez place à la GAV d’Ingrid Desjours
30 novembre 2018,
19h58
Miss Aline : Bonsoir Ingrid,
Ingrid : bonsoir Aline ! je dois vite nourrir mes chats et j’arrive !
Tic tac, tic tac, tic tac…
20h03
Ingrid : Me voilà !
Miss Aline : alors c’est parti…. avez-vous des rituels d’écriture (lieu, période de la journée, fond sonore…) ?
Ingrid : avant j’écrivais plutôt la nuit, mais depuis quelques temps j’essaie de ne plus m’extraire du rythme des autres, donc j’écris la journée. Je n’ai pas de rituel particulier si ce n’est une caresse à mes chats avant de me lancer, et de temps à autres… sinon j’écris dans mon bureau, dans le silence le plus absolu et gare à ceux qui viennent le perturber ne serait-ce qu’en respirant trop fort à côté de moi !
Miss Aline : concentration absolue alors ?
Ingrid : exactement !
Miss Aline : Comment vous vient l’idée d’une histoire : vous choisissez un thème, ou vous avez une fin ou une phrase de début…?
Ingrid : elle me tombe dessus, littéralement ! Que ce soit au détour d’une conversation, de l’entrefilet d’un journal, d’un rêve. Là, pour le nouveau, c’est le thème qui m’est venu suite à une discussion !
Miss Aline : il n’y a donc pas de « message » à faire passer ? C’est une histoire pour une histoire ?
Ingrid : je n’ai jamais dit ça, malheureuse !!!! Au contraire, il y a TOUJOURS un message, un questionnement en filigrane !
Miss Aline : en filigrane c’est à dire en fond ou de manière inconsciente ?
Ingrid : il y a toujours une double lecture, un fond. Je ne peux pas écrire juste pour distraire
Miss Aline : vous diriez que chaque auteur met quelque chose de personnel (message, questionnement) dans ses écrits ?
Ingrid : je ne sais pas pour les autres, mais pour moi c’est le cas, en effet
Miss Aline : Comment est né le personnage de Gabriel ? (j’ai adoré ce personnage)
Ingrid : en regardant la scène du tango dans Parfum de femmes, avec Al Pacino !
Je l’ai trouvé d’une sensualité folle… et j’ai eu envie de créer une intrigue autour d’un tel personnage !
Miss Aline : J’irai voir le lien…
Dans la prunelle de ses yeux, Gabriel est aveugle. Pour moi il l’est au sens propre comme au figuré. C’est un personnage fort et complexe. En dehors de la sensualité folle… c’est ainsi que vous le vouliez : complexe ?
Ingrid : oui, avec ses contradictions, il est en clair obscur mais il n’est pas aveugle pour moi, intérieurement… il a déjà trouvé une forme de lumière intérieure, contrairement à ce qu’il imagine. Pour moi, c’est Maya qui est dans le brouillard et le vrai guide, c’est Gabriel
(j’adore aussi Gabriel)
Miss Aline : on rejoint donc ce qui est dit plus haut c’est à dire : autant de lecteur donne autant de lecture/d’interprétation .
Du coup quel était votre message dans « la prunelle de ses yeux » ?
(je relirai Gabriel avec grand plaisir)
Ingrid : oh oui ! et ça c’est précieux ! chacun son histoire en fonction de son histoire propre… c’est la magie de l’écriture, les personnages n’appartiennent pas à l’auteur, ils appartiennent à chaque lecteur
Miss Aline : je suis totalement d’accord avec ça.
Ingrid : il y en avait plusieurs, je pense… j’avais envie de me questionner sur le phénomène du bizutage et du bouc-émissaire… de parler aussi de la fragilité des femmes induite par la société (Maya se déteste tellement…) du poids de la culpabilité, de l’alcoolisme féminin, de la difficulté des générations à communiquer entre elles, de la paternité dans ce qu’elle a d’animal, primal, et de complexe
Geneviève : 
Miss Aline : ce qui m’a le plus marqué c’est la paternité. Pour le reste : bizutage… c’est plus explicite dans le roman.
Ingrid : oui 
J’espère qu’il vous a ému autant que je l’ai été en l’écrivant 
Miss Aline : oh oui… surtout que bien que tout soit là, on ne s’attend malgré tout pas à cette révélation. Dés que je comprends où l’on va, je pleure.
J’ai pleuré en écrivant la « fameuse » scène… c’était horrible à décrire
Ingrid : je n’en doute pas.
Miss Aline : bien que cette scène soit déjà très difficile, quel genre de crime/scène ne pourriez vous jamais écrire ?
Ingrid : une scène où l’on fait du mal à un animal et de la cruauté gratuite, complaisante
Choquer pour choquer ne m’intéresse pas, je n’aime pas la surenchère
Miss Aline : vos personnages, vous les contrôlez totalement ou parfois ils vivent leur propre vie ?
Ingrid : Excellente question ! Je contrôle que dalle !
C’est fou, ils ont leur vie propre, leur caractère et ils me surprennent lors de l’écriture 
Mais je leur inflige ce que je veux par contre 
Miss Aline : vous les portez en vous tout le temps de la création ou ils restent dans le bureau ?
Ingrid : Ils sont constamment avec moi ! Je pense à eux, je les fais évoluer au fil de mes rencontres, discussions, émotions, idées… c’est de l’organique, en constante évolution. De toute façon je les considère plus comme des personnes que comme des personnages
Miss Aline : une fois le livre terminé, publié… ils sont toujours là ? Ingrid s’est échappée. Où elle dialogue avec son avocat ?
Ingrid : Oui, ils sont toujours là
Miss Aline : Les chats.. Geneviève !
Ingrid : je vis avec Gabriel, Maya, Lars, Haiko, Victor, Barbara, Marc… (ça fait beaucoup de monde dans ma tête)
Et là je vis avec quelqu’un dans ma tête en ce moment
Geneviève : Ah oui le chat avocat…Ne pas l’oublier
Ingrid : (oui une urgence chat) (désolée) (en plus messenger ne sonne pas toujours)
Miss Aline : ooohhhh …on peut en savoir un peu plus sur ce quelqu’un ?
Ingrid : c’est un personnage qui va vous faire réfléchir, ressentir… qui va vous emmener loin. Je vis avec lui depuis environ 3 semaines, et dès que je m’en éloigne pour faire d’autres choses, il me manque… je suis complètement avec lui, dans son monde, son histoire…
Miss Aline : la rédaction a déjà commencée ?
Ingrid : ouiiiiiiiii !!!!!!!!!! je kiiiiiiiffffffe ! j’imagine
Ce roman m’excite plus que tout ce que j’ai écrit jusque là !
Miss Aline : aaahhh… ça sera LE roman alors ?
Ingrid : (c’est toujours un peu le cas en fait :p) … mais oui celui-ci est particulier pour plein de raisons
Miss Aline : on peut avoir un petit indice sur le « thème » ?
Ingrid : non, pas sur le thème mais je peux vous dire que…
Ce ne sera pas un thriller !
Miss Aline : pourquoi ce changement de genre ? le personnage s’est-il imposé à vous ?
Ingrid : parce que je me sens à l’étroit dans le thriller, j’ai besoin d’explorer plus, de déployer des choses que je n’ai pas le temps d’investir quand j’écris un thriller…
Le personnage est une évidence pour moi 
Mais j’avais un peu amorcé le virage avec La prunelle de ses yeux
Miss Aline : quand va-t-on voir la sortie de ce roman ?
Ingrid : l’année prochaine, j’espère !
Miss Aline : qu’est ce qui vous bride dans le thriller ?
Ingrid : Les codes du genre, je dirais… mais aussi le genre lui-même, j’ai envie de raconter d’autres types d’histoires, de faire de la littérature générale, de ne pas toujours écrire les mêmes choses !
Je veux prendre mon temps aussi, celui de poser les choses, de déployer mon écriture. J’aime pouvoir évoluer, changer, tester de nouvelles choses et il est temps pour moi de m’essayer à d’autres écritures
Miss Aline : on vous souhaite de trouver ce que vous cherchez dans ce nouveau style d’écriture.
Ingrid : c’est gentil, Aline
merci beaucoup ! en tout cas c’est bien parti : je prends un plaisir dingue et c’est essentiel !
Miss Aline : oui c’est l’essentiel, le plaisir
Ingrid : 
Ingrid : Aline a une urgence chat aussi ? 
Geneviève : Peut-être Ingrid, une urgence c’est certain mais pas de chat !
Miss Aline : je n’ai pas de chat Ingrid, j’en ai peur ! J’avais mon poisson à sortir…
Ingrid : ahaha 
Geneviève : Je l’avais dit, pas de chat
Ingrid : Mes chats ne sont pas effrayants 
Miss Aline : Je vais vous libérer pour ce soir avant que nous partions dans un délire qui pourrait se retrouver (allez savoir pourquoi comment) dans un livre !!! lol
Ingrid : hummm vous avez raison !
Merci pour cet entretien, Aline 
J’espère avoir répondu à vos interrogations !
Miss Aline : Merci à vous pour le temps que vous m’avez accordé.
Ingrid : c’était chouette 
Bonne soirée et à demain les flingueuses 
Miss Aline : Pour rappel demain vous avez rdv avec Sofia à 14h30 et Danièle à 17 h00.
Geneviève viendra vous libérer ensuite.
Bonne soirée à vous également.
Geneviève : Mais dis moi Ingrid, j’ai une question sur les règles et les codes du polar. Qu’elle sont-elles ? J’ai jamais compris
Ingrid : ce sera une journée bien remplie !
Ouh c’est une vaste question…
En gros, pour faire court, les codes c’est tout ce qu’on s’attend à trouver (espère) en lisant un polar…
Geneviève : Bon ben je vois pas plus moi je lis une histoire. Policière ou pas si elle m’embarque c’est l’essentiel
Ingrid : et tu as bien raison 
Geneviève : 40 ans que je cherche ces putains de code. C’est plus à une journée près !
Allez je te libère pour cette audition Ingrid. Mais tu restes en GAV pour encore une journée
Ingrid : OK
je te souhaite une bonne soirée, ainsi qu’à tes comparses.
Normal, je retourne dans ma geôle avec ma couverture pleine de puces
Geneviève : Merci pour les flingueusess.
Miss Aline : alors nous ne donnons des couvertures pleines de puces….on ne donne pas de couverture tout court !!
Geneviève : Que l’on apporte un repas à notre prévenue et une couette propre
Ingrid : à la bonne heure ! (sinon mes chats attaquaient)
Geneviève : Moi j’adore les chats les chiens et toutes la ménagerie alors même pas peur
Et une chose à savoir tout ce qui ai dit ici est retranscrit.
Na !!!
Ingrid : j’assume tout ! et je ne peux pas vivre sans animaux
Geneviève : Pareil
Ingrid : 
Geneviève : C’est pour cela que tes chats peuvent faire partie de cette garde à vue
Ingrid : Alors on se comprend
Ge² : 
Geneviève : C’est bien possible.
21h27 :
Allez fin de la deuxième audition de madame Ingrid Desjours.
Merci pour la scène du tango avec Al Pacino 😍 (que j’ai du voir un million de fois 😃)
En France ,le titre du film est « Le temps d’un week-end » qui lui a valu un Oscar du Meilleur Acteur .
Au vu de la référence ,je ne peux qu’être tentée par le livre ..
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Là il n’y a plus de doute, il faut le lire Ariane !
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On en apprend sur la naissance des personnages dans la tête de l’écrivain, et Calimero que fait-il là?
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Il est triste comme Ingrid de devoir retrouver sa couverture pleine de puces …
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