Enfermé-e de Jacques Saussey.

Aujourd’hui nous vous offrons une triple chronique, car aujourd’hui sort le nouveau roman de Jacques Saussey.

Aussi Jean Paul, Clemence et Ophélie vous parlent de ce bouquin un peu particulier, Enfermé-e.

Un livre que nous avons toutes aimé chez Collectif Polar, et aimé est un mot bien trop faible pour dire combien ce livre m’a, nous a touchées, émues, bouleversées.

 Ce soir c’est Ophélie qui nous propose sa lecture d’Enfermé-e

Cet après-midi c’etait Clémence qui nous à donner son avis

Et de matin « Mister Flingueuse » vous a confié le Ressenti de Jean Paul

Allez place au Off de Oph


Le livre : Enfermé.e de Jacques Saussey. Paru le 11 octobre 2018 aux éditions French Pulp Éditions. 18,00 € ; 380 p. ; 14 .

4ème de couverture :

Les premiers papillons ont éclos derrière des paupières. Elle en avait déjà vu de semblables, enfant, un été au bord de l’océan, jaunes et violets contre le ciel d’azur. Elle était allongée au soleil, l’herbe souple courbée sous sa peau dorée. Le vent tiède soufflait le le sel iodé de la mer dans ses cheveux. Aujourd’hui, l’astre était noir. Le sol dur sous ses épaules. Et l’odeur était celle d’une marée putride qui se retire. Les papillons s’éloignent de plus en plus haut, de plus en plus loin. Et l’air lui manquait. Lui manquait…

Elle a ouvert la bouche pour respirer un grand coup, comme un noyé qui revient d’un seul coup à la surface.

Les papillons ont disparus, brusquement effrayés par un rugissement issu du fond des âges…

 

L’auteur : Jacques Saussey est né en 1961, il écrit des nouvelles durant de longues années, entre 1988 et 2007. Après le premier prix au concours Alfred Jarry, cette année-là, il quitte l’écriture des nouvelles et entame son premier thriller, «La mante sauvage», achevé en 2008. Ce thriller paraîtra le 3 janvier 2013 sous le titre «Colère Noire». C’est le second, «De sinistre mémoire», écrit en 2009, qui a connu le premier les joies des rayons des libraires en septembre 2010. Ce roman est ensuite sorti en poche en juin 2011. Son domaine : l’histoire noire. Très noire…

 

 

Extrait:
 » La Secrétaire eu une mimique éloquente en scrutant sa chevelure d’un verdâtre pisseux.
– Et cette couleur, c’est pourquoi?
– C’est parce que je suis libre, aujourd’hui. Libre d’assumer tous mes choix. Libre de proclamer que je suis différente et que ce n’est pas contagieux. »

Le OFF de OPH

 » Si je ne peux pas être qui je suis, je préfère être morte plutôt qu’être emprisonnée dans un corps qui n’est pas le mien ». Ophélia De’Lonta.

Virginie est née dans un corps qui n’est pas le bon. Née femme dans un corps d’homme. Le rejet du Père, les brimades à l’école, les jugements… l’ont conduite dans l’enfer carcéral.

Enfermée dans un corps qui n’est pas le sien, enfermée en prison, enfermée par les comportements abjects des Autres, Virginie sera enfermée de nombreuses années.

C’est sous la plume délicate, poétique mais aussi brute; c’est à fleur des mots de Jacques Saussey que j’ai lu l’histoire de Virginie. C’est les larmes dégoulinant le long de mes joues, la vue souvent brouillée, le cœur révolté que j’ai lu l’histoire de Virginie.

Jacques a fait le choix de déshumaniser la quasi totalité des personnages de ce roman, ne les nommant jamais autrement que par leur fonction ou un trait physique, pour offrir à Virginie ce qui lui a été refusé quasiment toute sa vie. Virginie est la seule à être identifiée en tant qu’individu, avec son identité. Pas une identité qu’elle ce serait choisie par coquetterie, non, sa véritable identité. Celle qui est la sienne, depuis le jour de sa naissance, et qu’on lui a si longtemps refusée.

Qu’il est difficile de chroniquer ce roman avec justesse! Je me suis longuement interrogée pour choisir mes mots et la forme, et ,irrémédiablement, mes mots s’adressaient à Virginie. Alors je me suis dit que la meilleure façon de vous livrer mes émotions était peut être de partager avec vous ce que j’aurais voulu lui dire:

 » Ma chère Virginie,

Où as-tu trouvé la force de vivre après tout ce que les Autres t’ont fait subir? J’aimerais te serrer dans mes bras et te dire que nous ne sommes pas tous comme eux. Qu’il y a de belles personnes dans ce monde. Des personnes qui respectent leur prochain quelles que soient leurs différences.

Tu dois me trouver utopique après tout ce que tu as traversé.

Quand je regarde la lente évolution de la loi, les modifications des classifications des maladies mentales, je me dis que nous sommes bien arriérés pour un peuple qui se dit civilisé. Je me dis aussi qu’il y a encore beaucoup à faire dans ce pays qui se revendique des Droits de l’Homme. Cette déclaration ne dit pourtant-elle pas que les Hommes naissent libres et égaux en droits?

Quand notre société arrêtera-t-elle, enfin, de vouloir absolument nous faire entrer dans des cases, dans une pseudo normalité choisie pour nous? J’espère qu’un jour le mot Liberté prendra enfin tous son sens et que chacun pourra être libre. Libre d’aimer sans crainte, libre de faire des enfants sans être pointé du doigt parce que ne rentrant pas dans « la norme », libre d’être « nous » sans à devoir subir les regards en coin, les violences verbales ou physique, tout simplement libre d’exister tels que nous sommes?

A toi ma très chère Virginie, et à toutes les personnes qui ne sont pas nées dans le bon corps, à toutes celles qui souffrent de leur différence, la brutalité des mots de Jacques Saussey éveillera, je l’espère, un certain nombre de consciences et cela pour toi, pour Fleur, pour Lana, pour Aurore… »

A vous qui me lisez, c’est à nous aussi d’éveiller les consciences, d’apprendre à nos enfants que la différence est une richesse, que la tolérance et le respect de son prochain sont les piliers de la Liberté.

Enfermé.e  est avant tout un roman, un polar avec une intrigue. Mais cette intrigue n’est que le vecteur du message qu’a voulu nous transmettre Jacques Saussey. Derrière l’intrigue il y a l’histoire de Virginie et ce cri d’alarme.

Merci Jacques pour ce magnifique roman.

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