Avis D’expert, saison 2 : Affaire n° 2 : L’Affaire des Poisons.

Cathie notre Expert, revient toutes les semaines pour nous proposer son regard sur une grande affaire criminelle.

J’avoue me régaler à les lire en les mettant en page.

J’espère que vous aurez autant de plaisir que moi à découvrir cette deuxième affaire.

Affaire n° 2 : L’Affaire des Poisons.

   Premier acte : la marquise de Brinvilliers :

Au soir du 16 juillet 1676, Marie-Madeleine Dreux d’Aubray, marquise de Brinvilliers, est solennellement conduite sur le parvis de la cathédrale Notre-Dame pour y faire amende honorable avant de subir, en place de Grève, le châtiment qu’elle mérite. En effet, accusée et convaincue d’avoir empoisonné son père, ses frères et sa sœur, la marquise expie ses fautes devant une foule nombreuse venue assister au supplice d’une « sorcière ». Pour une fois qu’une dame de qualité est exécutée en public, il ne faudrait pas rater ça !!

Un peu à l’écart des badauds, le lieutenant général de police La Reynie regarde attentivement le bourreau séparer la tête du corps de la marquise de son épée tranchante, trop heureux de mettre ainsi un terme définitif à une inquiétante histoire d’empoisonnement qui a éclaboussé l’aristocratie. Or, ce que La Reynie ignore, c’est que le retentissant scandale de la « marquise aux poisons » n’est que le premier acte d’une sombre tragédie, un prélude somme toute divertissant à une affaire autrement plus grave qui bientôt menacera la gloire du règne du Roi-Soleil.

   Second acte : commerce d’onguents.

Dans les années 1675 – 1680, on compte, dans la capitale, pas moins de 400 « devineresses » qui font commerce d’onguents, d’herbes, de poudres et de toutes sortes de philtres. Ces femmes sont parfois des « faiseuses d’anges », jolie formule pour désigner les avorteuses. Sans revenus fixes, souvent veuves, déclassées, elles vivent d’expédients et s’acoquinent avec des alchimistes ou des herboristes qui leur fournissent également des poisons ; il n’existe à l’époque aucune réglementation concernant la vente de produits toxiques.

En sa qualité de lieutenant général de la police, M. de La Reynie croit tout connaître des turpitudes de ce monde à part que constituent les bas-fonds parisiens où grouille tout un peuple inquiétant de coupe-jarrets, de marauds et de malandrins de toutes sortes. Au cours de l’enquête qui lui a permis de démasquer la marquise de Brinvilliers, il a découvert que des gens de qualité se frottent parfois à ce monde louche qu’il a appris à mieux connaître.

Paris étant le théâtre de nombreuses morts suspectes, il place ses « mouches » dans les quartiers chauds de la capitale. Or, le 21 septembre 1677, une lettre anonyme est déposée dans le confessionnal de l’église des Jésuites, rue Saint-Antoine, par une femme qui s’enfuit. Le billet, aussitôt remis à la police, contient des propos pour le moins inquiétants : il est question d’une poudre blanche à déposer sur « la serviette de qui cous savez » – La police croyant qu’il s’agit de celle du roi, La Reynie prend la menace très au sérieux.

2 Catherine Monvoisin (La Voisin) (1640-80) et l’affaire des poisson, 1679); Bibliotheque Nationale, Paris, France copyright

   Troisième acte : La Voisin.

Un an seulement après le supplice de la Brinvilliers, le voilà à nouveau aux prises avec une affaire d’empoisonnement. Quelques mois plus tôt, une empoisonneuse, Melle La Grange, a en effet été arrêtée. Les limiers de la police, remontant la piste à partir de cette femme, se sont emparés d’une bande d’alchimistes, et notamment un certain Vanens, expert en fausse monnaie et en alchimie. Or, il s’avère que ce déserteur était présent lorsque le duc de Savoie mourut après avoir revêtu une chemise empoisonnée.

Vanens est aussitôt arrêté, ainsi que sa maîtresse, une dénommée La Finette, quelques bourgeois ainsi que des domestiques. Après enquête, la police met au jour, en 1678, un vaste réseau de trafic de poisons en tous genres : une certaine Marie Bosse et son amie, une femme du nom de Vigoureux, terrorisée par la perspective de la torture, « se mettent » à table et crachent le morceau. La Reynie possède alors les premiers fils d’un écheveau complexe et diabolique qu’il déroule patiemment jusqu’à aboutir à une certaine Catherine Deshayes, épouse Monvoisin, dite « La Voisin ». Cette dernière n’est d’ailleurs pas une inconnue : elle a même pignon sur rue dans le faubourg Saint-Denis où son cabaret est une adresse incontournable pour celles et ceux qui voudraient se procurer potions et onguents qui favoriseront leur destin. Devant l’afflux des plaintes pour empoisonnement, La Reynie se doit d’agir vite et sans faire de vagues, dans le plus grand secret. Les confesseurs de la cathédrale Notre-Dame déclarent d’ailleurs que bon nombre de leurs pénitentes s’accusent d’avoir empoisonné quelqu’un !! L’ombre de la Brinvilliers plane sur la capitale !!! Au cours de l’interrogatoire de Catherine Monvoisin, qui se flatte de connaître toute la bonne société ( déclaration qui fait se dresser la perruque poudrée sur la tête de La Reynie), le lieutenant de police pénètre plus avant dans les milieux interlopes des alchimistes et des devineresses où grouille une faune bigarrée de cartomanciens, d’avorteuses, de diseuses de bonne aventure, de prêtres défroqués, de mères de famille maquerelles et de moines libidineux.

La fabrication de potions en tous genres et la pratique de la sorcellerie ne le surprennent pas outre mesure, mais La Reynie, soucieux de purger la capitale de ces pratiques trop courantes pour être plus longtemps tolérées, découvre à son grand effarement que de nombreuses personnalités de la société dite «bonne »fréquenteraient ce monde inquiétant. En effet, La Voisin et l’un de ses acolytes, Adam Coeuret dit « Lesage », révèlent l’identité de certains de leurs clients parmi lesquels des familiers de la Cour. Les duchesses de Bouillon, de Vitry et d’Angoulême, la princesse d’Albert de Tingry, la marquise d’Alluye, la comtesse du Roure, la maréchale de La Ferté, la vicomtesse de Polignac et bien d’autres auraient eu recours à leurs services. Mais la liste funeste ne s’arrête pas là ! Olympe Mancini, comtesse de Soissons, nièce de Mazarin et surintendante de la reine, est elle aussi dénoncée. Cette fois, le lieutenant est contraint d’en informer le roi.

   Quatrième acte : la Chambre Ardente.

Stupéfait par ces révélations, Louis XIV, désireux de mettre fin à ce nouveau scandale, signe, en mars 1679, des lettres patentes afin de constituer une juridiction spéciale qui siégera à l’Arsenal, appelée chambre ardente en raison de ses tentures sombres et de l’éclairage assuré à l’aide de flambeaux. Elle est placée sous la présidence du comte de Compans, chancelier du roi. En raison de la qualité des personnes incriminées, le roi exige que les débats soient tenus secrets. Mais, déjà, certains accusés ont opportunément fui le royaume, comme la comtesse de Soissons, Olympe Mancini, prévenue de son embastillement imminent.

Avant d’envoyer les accusés au supplice, la Chambre enregistre aveux, dénonciations, rétractations et calomnies. L’enquête avance trop vite, sur fond de rivalités entre les ministres Colbert et Louvois, ce dernier faisant remarquer que de nombreux amis de Colbert étaient soupçonnés. Ne prétend-on pas que le maréchal de Luxembourg, glorieux soldat de sa majesté, aurait signé un pacte avec le diable ? Le maréchal sera emprisonné pendant quatorze mois, puis l’affaire fut étouffée avec l’arrestation de son intendant !!

Pendant ce temps, La Reynie poursuit ses investigations, non sans aller de surprises très désagréable en révélations sulfureuses : lors d’un interrogatoire de Lesage, il apprend que Mademoiselle des Oeillets et Mademoiselle Cato, suivantes de la favorite du roi, Madame de Montespan, auraient eu recours à ses services. Désormais, l’affaire prend une tournure vraiment dangereuse susceptible de faire vaciller le trône, même si la Voisin ne confirme pas les déclarations de son acolyte concernant les suivantes de la favorite. Afin de couper court, Catherine Monvoisin sera brûlée vive en place de Grève le 22 février 1680. A ce moment, La Reynie, soulagé, croit que le scandale est enfin jugulé. Mais la fille de la Voisin, beaucoup moins courageuse face aux engins de torture, aura moins de scrupules.

   Cinquième acte : il faut étouffer l’affaire !!

La jeune femme déclare que la servante de Madame de Montespan, Mademoiselle des Oeillets, est venue la trouver afin de lui acheter des poudres pour sa maîtresse, déclaration confirmée par une autre femme, la Filastre, ainsi que par le prêtre Guibourg. D’après elle, sa mère aurait été l’instrument d’un complot orchestré par la favorite elle-même. Madame de Montespan, après avoir donné au roi six enfants, tous légitimés, était en passe d’être détrônée dans le cœur royal par la jeune et jolie Mademoiselle de Fontanges. Tous les moyens lui semblèrent bons pour conserver la faveur royale, non seulement des philtres d’amour, le poison, mais aussi des messes noires au cours desquelles des invocations diaboliques auraient été prononcées sur le corps nu de la favorite !!

Louis XIV, informé de ces aveux effroyables, et craignant que l’affaire ne s’ébruite, exige de La Reynie que tout ce qui concerne Madame de Montespan soit enregistré à part et dissimulé aux magistrats. Le 18 septembre 1680, il suspend la Chambre ardente. Les suspects seront emprisonnés, par lettres de cachet, au fin fond de forteresses royales, sauvant ainsi leur vie. La Chambre Ardente se réunira à nouveau de mai 1681 à juillet 1682, mais désormais l’affaire lui échappe, le roi conservant par devers lui les originaux des interrogatoires et débats de 1680. Seuls quelques comparses seront condamnés au bannissement, aux galères ou à l’enrôlement forcé.

Louis XIV a-t-il réellement cru à la culpabilité de sa maîtresse en titre ? Nul ne le saura jamais. En tout cas, la marquise demeure à la Cour encore dix ans, bien qu’elle ne soit plus la favorite.

 

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