Les corps brisés de Elsa Marpeau

 

Le livre : Les corps brisés d’Elsa Marpeau. Paru le 11 mai 2017 chez Gallimard dans la collection Série Noire. 19€ ; (240 p.) ; 23 x 16 cm.

Mot de l’éditeur :

Sarah est une coureuse de rallye reconnue dans un milieu hautement macho. Un jour, lors d’une « spéciale », elle sort de route. Son coéquipier meurt sur le coup et elle se retrouve plongée dans le coma, avant de se réveiller paralysée des deux jambes. Elle intègre un centre hospitalier perdu en haute montagne, où rayonne un médecin que tout le monde surnomme le « docteur Lune ». Brisée physiquement et psychologiquement, Sarah développe une dépression paranoïaque, qui atteint son paroxysme quand la patiente qui partage sa chambre disparaît. Pour le personnel, il ne s’agit que d’une fugue, mais Sarah est convaincue qu’il n’en est rien… Inspiré d’un fait divers réel, Les corps brisés est un thriller glaçant avec son lot d’angoisses et de rebondissements, qui se termine sur un huis clos étouffant. L’auteure y dresse un sombre constat sur la place des handicapés dans notre société moderne qui donne la priorité à l’efficacité et à la performance.

 

L’auteur : Elsa Marpeau est née le 10 août 1975 à Ancenis (Loire-Atlantique). Elle a grandi à Nantes, s’est installée a Paris et a vécu à Singapour. Ancienne élève de l’école normale supérieure de la rue d’Ulm à Paris, elle est agrégée de lettres modernes et titulaire d’une thèse sur le théâtre du xviie siècle.Elsa est romancière mais elle est aussi scénariste. Elle est notamment la créatrice de la série « Capitaine Marleau ».Après Les yeux des morts, prix Nouvel Obs – BibliObs du roman noir 2011, elle a publié Black Blocs et L’expatriée (prix Plume de Cristal 2013), Ils oublieront la colère (2015) à la Série Noire. Elle a été le Prix l’an dernier Le Prix Transfuge 2016  du polar au Festival Polar en Poche de Saint-Maur

 

Extrait :
 L’accident lui a ouvert les yeux sur la réalité de l’organisme : un assemblage temporaire de pièces mécaniques. Elle l’a compris le jour où un chirurgien lui a expliqué quels organismes étrangers elle avait désormais sous la peau : vis, clous, boulons, tiges d’acier. Ils ont sorti la trousse à outils pour réparer sa vieille carlingue. L’illusion de solidité et de fermeture a volé en éclats. Maintenant, elle ne voit plus en elle qu’un amas de cellules qui n’arrêtent pas de naître et de crever. De l’épiderme toujours sur le point de se déchirer. Des liquides prêts à se répandre au-dehors. Des chairs à brûler, à percer, à défaire, à dévorer, à pourrir.

Le post-it de Ge

Les corps brisés de Elsa Marpeau poche

Les corps brisés de Elsa Marpeau

Voilà quelques semaines que j’ai fini la lecture des corps brisés. Je me suis jetée dessus dès que je l’ai eu entre les mains. Je voulais être la première à en parler. Et puis…

J’ai tellement été bouleversée par cette lecture que je n’ai pas su mettre des mots pour vous dire combien j’avais aimé ce titre. Pourquoi j’avais aimé ce livre.

Alors je l’ai relu et là la magie a opéré à nouveau. L’écriture tour à tour froides et solaire d’Elsa Marpeau m’a happée et tenu en haleine d’un bout à l’autre de l’intrigue. Elle instille un climat trouble angoissant qui du début à la fin de l’histoire vous déstabilise. Un peu, sans doute, pour vous mettre sur un pied d’égalité avec ces estropiés dont parle le livre, justement !

Mais il n’y a pas eu que ça !

Il y a aussi cette façon qu’a l’auteur de nous parler de ces corps brisés. Cette façon clinique de les décrire, de les disséquer, de nous les laisse voir. Et l’empathie que nous ressentons à travers ces mots parfois crus qui nous montre au-delà de cette pure mécanique des corps, la souffrance psychique que cela peut engendrer.

Comment peut-on  se résigner à la vie dans un fauteuil. Comment alors que la vie nous sourit, peut-on envisager de vivre en totale dépendance. Sarah est une sportive de haut niveau, qui connait les exigence du corps, du sien en particulier. Alors quand ce corps n’est plus qu’un objet de dégoût, comment réapprendre à vivre avec.

Aussi quand le réel vous échappe il reste l’imagination. L’imagination pour s’échapper de ce corps inerte, pour sortir de son morne quotidien. L’imagination aussi parfois trop débordante qui vous fait penser des choses terribles et percevoir au-delà des apparences. Celle qui vous raccroche aussi à la vie, vous offre un horizon moins prosaïque et maussade que les quatre murs d’un établissement de soins et de réadaptation.

Car chez Sarah son nouvel handicap n’est pas d’une douleur physique, ce n’est pas qu’une déchéance, ce n’est pas qu’une peur du lendemain. C’est aussi une détresse psychologique de se sentir inutile et incapable.

Et en choisissant une héroïne qui vit dans un monde d’homme, une femme qui vit pour sa passion de la vitesse, Elsa Marpeau fait un parallèle avec notre société où tout doit aller plus vite sous peine de devenir obsolète. Où la performance est érigée en modèle et où le handicap m’a sans doute plus sa place.

Notre auteur nous offre, en plus d’un huit clos angoissants où la perversité des hommes n’a pas de limite,  une belle réflexion sur le handicap et au-delà sur la forme que doit prendre la société que nous voulons pour demain !

Merci madame Marpeau de m’avoir une nouvelle fois bousculée dans mon petit confort quotidien et personnel !

 

24 réflexions sur “Les corps brisés de Elsa Marpeau

  1. Je sais combien c’est compliqué pour toi de trouver les mots à chaud, quand tu es particulièrement touchée par un roman. C’est en général un gage de qualité. Ta manière d’être touchée me touche et ne fait que me donner encore plus envie de lire ce livre.

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