Avis d’Expert : La chronique de Cathie, Dossier n° 1

Avis d'expert

Dossier n° 1: Le crime parfait est-il possible?

Avec les progrès sans cesse grandissants de la police scientifique, mon ami Néville et moi, afin de ne pas nous ennuyer pendant les longues soirées d’hiver,  avons décidé d’écrire un roman policier qui mette en scène Le Crime Parfait. Pour mener à bien notre projet, nous avons mené notre enquête.

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Règle n°1: Préférer l’assassinat au meurtre:

Le propre du crime parfait étant de ne jamais se faire prendre, cela suppose de laisser un nombre d’indices et de traces proche de zéro. Or, Néville le sait bien, lorsqu’on commet un meurtre, c’est-à-dire sans préméditation, les risques de laisser plein de traces derrière soi sont légion: ADN, empreintes digitales, marques de chaussures, etc…Doug Lyle, un expert américain en techniques d’investigation scientifique que nous avons consulté, et qui loue ses services aux écrivains de polars afin de les aider à concevoir des scénarii les plus proches possible de la réalité, nous a déclaré:  » On oublie les crimes commis sur un coup de sang. Car un meurtre commis de manière impulsive et irréfléchie est forcément bâclé !! » Ok, Doug, message reçu. Optons donc pour l’assassinat.

Règle n°2: Le tueur doit être discret:

L’assassin devra agir seul. Avoir un complice, c’est multiplier par deux les risques de laisser des traces, mais c’est aussi être à la merci de quelqu’un qui peut éprouver à la longue des remords et craquer à n’importe quel moment, vous entraînant inexorablement dans sa chute. Néville m’a regardée de travers. Je sais qu’il pense qu’une femme est plus fragile émotionnellement…C’est pas grave, Neville, je te laisse déterminer le sexe de notre tueur fictif.

« Je vous rappelle, continue Doug, impassible, que l’enquête de police ne se contentera pas de scruter les faits et gestes des suspects après le crime, elle examinera également tout ce qu’ils ont fait avant. » J’imagine que l’achat de cinq litres d’acide sulfurique ou le soudain désir de passer le permis de chasse afin de s’acheter un fusil risque d’attirer la curiosité des enquêteurs. Néville et moi tombons donc d’accord: notre crime parfait doit être le fait d’un assassin solitaire qui commencera à planifier son forfait une bonne année avant son exécution!

Règle n°3: Pas de mise en scène en toc:

N’essayez pas de faire croire à une mort naturelle ou à un suicide; trop compliqué à mettre en scène et facile à détecter . Nous qui avions imaginé que notre assassin tuerait sa victime à coup de chandelier et ensuite de la lui faire déplacer en bas de l’escalier pour faire croire à une chute !! Doug nous explique: « Ce genre de »maquillage » est impossible à réaliser de manière crédible. D’abord, il faut que les plaies et les bosses du cadavre correspondent à la dégringolade supposée avoir engendré sa mort. Mais surtout, il faut agir très vite. »

« Ah bon, pourquoi? je demande naïvement. « Parce qu’à l’arrêt du cœur, ma petite dame, le sang cesse de circuler et s’échappe vite des organes. Il laisse alors sous la peau une marque caractéristique, que les légistes appellent « la lividité cadavérique ». Cette marque violacée est visible dès la deuxième heure après la mort. »  Je me tourne alors vers mon ami: « T’avais pas pensé à ça, Néville? »  « Bien sûr que si, répond celui-ci, vexé. »

« Et selon la zone du corps où le sang s’est déposé par gravité, les enquêteurs pourront déterminer dans quelle position se trouvait la victime au moment de son décès. Ainsi, si la lividité cadavérique se situe sur le côté gauche du corps et que la victime est retrouvée sur le dos, il y a comme un truc louche !! Oubliez aussi le faux suicide au pistolet. En effet, lors du tir, des résidus de l’amorce explosive sont projetés en un nuage sur les mains, les bras et les vêtements de la personne qui a tiré. Si le « suicidé » ne porte pas de telles traces, les policiers découvriront rapidement le pot aux roses. « 

Règle n°4: Arme blanche ou arme à feu: 

Néville a eu une idée géniale pour l’arme du crime: un couteau en glace !! Il fond dès le crime accompli donc pas d’empreintes et bien taillé, il résiste à l’impact et traverse aisément n’importe quel morceau de viande. « Bravo, Néville, quelle excellente idée, ai-je dit ironiquement. C’est bien gentil, ton couteau en glace,mais il faut se promener avec un congélo sur le dos…En plus, comme toute arme de contact, cela implique une confrontation physique avec la victime, donc risque de bruit et d’éclaboussures de sang partout. Beurk!!…A oublier !! »

Une arme à feu, alors ?? Oui, à condition d’étouffer la détonation, en sachant qu’un silencieux ne peut rien contre le « bang » que fait la balle quand elle passe le mur du son ( 340 m/s). Or, de nos jours, la plupart des armes ont des balles à vitesse supersonique. Alors, que faire ?? La solution est de charger le pistolet avec des munitions contenant moins de poudre dont la vitesse est inférieure à celle du son . Mais attention !! Après son crime, notre assassin devra impérativement se débarrasser de son arme, le plus loin possible de la scène du crime, ce qui n’est pas toujours aisément réalisable. Dans la mer, par exemple, ou dans les égouts. Car le lien serait vite établi entre la balle dans le cadavre et le pistolet retrouvé chez le suspect: en effet, l’intérieur du canon de l’arme le trahirait à coup sûr !

Comment, allez-vous me dire ??Au fur et à mesure que l’arme est utilisée, de petits grains de sable, des points de rouille, des résidus de poudre s’incrustent à l’intérieur du canon. Et les marques laissées par ces impuretés sur les balles deviennent de plus en plus caractéristiques. Ce qui permet aux enquêteurs de savoir si l’arme découverte a tiré ou non la balle retrouvée sur le lieu du crime ou dans un cadavre.

 

Règle n°5 : Ne pas semer son ADN.

A moins de recouvrir au préalable le lieu du meurtre de plastique imperméable du sol au plafond ( solution que Néville et moi considérions pratiquement irréalisable), Doug nous a expliqué qu’il est de plus en plus compliqué de ne pas laisser de traces sur une scène de crime.  » Jusqu’au début des années 2000, on ne travaillait que sur des traces d’ADN dites riches, nous a appris Frédéric Dupuch, directeur de l’Institut National de la police scientifique ( INPS), c’est-à-dire des échantillons tels que le sang, le sperme, la salive qui contiennent beaucoup d’ADN.  » Mais grâce à des réactifs de plus en plus sensibles, les techniques modernes permettent désormais de dresser un profil ADN à partir d’imperceptibles gouttes de sueur sur un vêtement ou de quelques cellules mortes qui se sont déposées lors du frottement de la peau contre un mur ou un meuble.

Certes, notre malfaiteur peut toujours se revêtir d’une combinaison intégrale et d’une cagoule, mais il n’est pas à l’abri d’un postillon ou d’un cil tombé malencontreusement. Bien sûr, il peut aussi choisir de commettre son crime dans un lieu public ( désert au moment du crime) ou ses traces seront noyées parmi celles de centaines d’autres empreintes, mais il lui faudra trouver un prétexte pour attirer sa victime dans ce lieu désert. Néville m’a objecté que ce n’est pas irréalisable; il a raison, mais ça complique les choses. Par contre, s’il décide d’opérer chez sa victime, où les experts auront beaucoup plus de chances de relever ses traces, mieux vaut faire disparaître le corps.

Règle n° 6: Tuer proprement:

Le relevé d’empreintes digitales est un procédé vieux d’une centaine d’années, ce qui ne signifie pas qu’il a perdu de son efficacité, bien au contraire !! Grâce à l’amélioration de la qualité des révélateurs chimiques et à l’utilisation de lasers, il est désormais possible de relever des empreintes sur presque toutes les surfaces: métal, plastique, verre, bois, carton, papier, et même sur la peau !! Bientôt, nous utiliserons des  » particules Roar »: sous la forme de poudres, ces nanoparticules de silice permettent, d’après leurs concepteurs anglais, de détecter des résidus chimiques présents sur les doigts. Il suffit d’y fixer des substances capables de s’attacher par exemple à la nicotine ou à la cocaïne, puis de récupérer la poudre déposée sur les empreintes pour la faire analyser dans un spectroscope ( appareil capable de disperser la lumière réfléchie par un solide ou un liquide, afin d’identifier les éléments chimiques qui le composent). Les enquêteurs pourront ainsi savoir si celui qui a laissé les empreintes était fumeur ou toxicomane, s’il prenait des médicaments, etc…Ces particules seraient également capables d’identifier des molécules sécrétées par le corps et propres à chaque individu. On pourrait ainsi déterminer le sexe, l’âge et le groupe ethnique du tueur. Waouhhh, s’est écrié Néville.

Les scientifiques de l’université de Leicester, en Angleterre, ont développé une technique qui permet de relever les empreintes digitales sur les alliages de cuivre qui composent les douilles des balles. En effet, la sueur peut corroder certains métaux et y graver littéralement les empreintes. Car même si la balle a été soigneusement nettoyée, la corrosion demeure…et les empreintes incrustées aussi !! Nous avons donc pensé avec Néville que notre tueur devrait porter des gants épais pour introduire les balles dans son pistolet ; même s’il est clair que cela en compliquera la manipulation…

Règle n° 7: Faire disparaître le corps:

L’indice le plus compromettant est évidemment le corps de la victime. Comme le dit Néville, pas de cadavre, pas de preuves, donc pas de meurtre !!  » C’est certain, mais faire disparaître un corps n’est pas chose si aisée, cher Néville, ai-je répliqué. » Pour mener à bien notre projet, nous avons donc envisagé différentes solutions.

Le brûler: l’avantage est que le feu détruit la plupart des traces ADN. Mais l’inconvénient est qu’un corps humain, composé d’environ 70 % d’eau ne brûle pas aussi facilement que du papier à cigarette. D’après les experts que nous avons consultés, pour que la combustion soit efficace le corps doit brûler à 800 degrés pendant au moins deux heures. Et si on utilise de l’essence, il faut savoir que celle-ci est un produit extrêmement volatil dont les vapeurs peuvent s’enflammer en même temps que le combustible et brûler plus ou moins gravement la personne qui met le feu, ce qui compromettrait la règle n°2.

Le dissoudre: l’acide est tout aussi dangereux à manipuler que l’essence et moins efficace; en effet, notre copain Doug nous a expliqué qu’une bonne semaine est nécessaire afin de dissoudre totalement un corps dans de l’acide sulfurique ou de la soude. Néville et moi nous sommes regardés, perplexes. Nous ne pouvons pas faire courir ce risque à notre meurtrier…

L’abandonner au fond d’un étang, le broyer, le couper en morceaux, l’enterrer ou le faire dévorer par des cochons: quelle que soit la méthode choisie, le meurtrier, qui par principe agit toujours en solo, devra se débrouiller pour transporter le corps jusqu’à l’endroit adéquat sans se faire remarquer et sans emporter involontairement un souvenir de sa victime sous la forme de sang, salive, poil, cheveux, particules de terre, etc…

Règle n°8: Pas de crime parfait sans un peu de chance:

Voici notre scénario final: un tueur solitaire, méthodique, organisé, qui officie dûment ganté, vêtus de vêtements noirs, armé d’un pistolet muni d’un silencieux, dans un lieu public en laissant le cadavre sur place pour ne pas avoir à le transporter dans le coffre de sa voiture, trop compromettant. Néville et moi avons compris que même un meurtre aussi bien planifié soit-il ne peut pas tout prévoir: l’écharde de la rampe d’escalier qui se fiche dans son blouson; le passant qui promène son chien; la voiture qui passe à proximité du bois dans lequel il a attiré sa victime; les empreintes laissées par ses chaussures dans une terre rendue meuble par les pluies des derniers jours…Bref, Néville et moi avons conclu que mettre sur pied un crime parfait est très compliqué. Je pense que nous allons passer nos soirées à jouer à la bataille, c’est moins complexe et moins sanglant…quoique !!!

110 réflexions sur “Avis d’Expert : La chronique de Cathie, Dossier n° 1

  1. […] première saison sur « les sciences forensiques » et une saison deux autour « des grandes affaires criminelles […]

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  2. J’adore l’article et il m’a bien fait sourire en évoquant ce sujet ici à table en parlant de crimes qui se souhaiteraient parfaits ?
    Je ne pense pas qu’il existe. Sauf peut-être dans la ruralité, où donner un cadavre à manger à un cochon, brrrrkkkk, disparu sans laisser de traces peut s’avérer avoir été fait. Juste une supposition. 🙂 J’ai lu ce « truc là » dans un roman policier et voilà que cela me revient en tête. Les armes non.
    Il reste à méditer sur ce fait là. Et laisser à qui veut de laisser croire que cela puisse exister 😛 :devil:

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  3. Merde, moi qui pensais faire passer un corps tué de 12 coups de couteaux dans le dos pour un suicide… ça passera pas, vous pensez ?? Y’en a qui on essayé, ils ont pas eu de problèmes… Pour réussir le crime parfait, faut être riche ET puissant, genre les gouvernements, les politiciens de certains pays à l’Est… même plus à l’Ouest. On nous balance une connerie et on peut rien faire.

    Trêve de plaisanterie (je vais finir crise cardiaquée par Pout***), j’en ai appris des choses, moi ! Mais ma foi, je pourrais tuer le mec qui promène son petit chien dans le parc, mes traces seraient noyées dans celles des autres… 😉

    Le mieux est de tuer des gens sans aucun mobile, juste pour le fun, plus complexe à trouver le coupable 😉

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